La Clau
Internet mangera la télévision à partir de 2010

Une étude publiée au début du mois d’avril par la société Microsoft le certifie : la consommation de télévision pourrait être à tout jamais dépassée par la navigation sur Internet, équivalente à deux jours de consommation par mois, à partir de juin 2010, sur le continent européen. On ne se questionnera pas sur le bien-fondé de ce calcul commandé par le leader mondial du logiciel, mais davantage sur une tendance observée depuis 2004, selon laquelle la croissance régulière de l’appel aux 3w fait suite à l’apprivoisement de la « bête informatique ». En 2008, l’Européen moyen passait 8,9 heures en ligne, soit une hausse de 27% par rapport à 2004, bien au-dessous des prévisions pour 2010, évaluées à 14,2 heures. La démocratisation de l’outil informatique, couplé au réseau, devrait ainsi engendrer une concurrence avec l’anciennement nommé « petit écran », dans une menace qui finirait par supplanter l’audience des chaînes à l’ancienne, peu à peu remplacées par une gestion à la carte des ressources vidéo. Les anti-télé évoqueraient ici une mainmise inquiétante de l’image animée sur les consciences, quel que soit le média ou la formule de sollicitation du produit, en « passif », face à la télévision, ou en semi-passif, par un choix plus raisonné, et un clic de souris pour démarrer la séance de manipulation. Au fait, qu’êtes-vous en train de faire sinon participer de cette horrible tendance en consultant ces mots ?

L’abrutissement sur Internet, pire que la télévision

Pourquoi chercher à la télévision ce qui est servi sur Internet, pour un coût modéré si l’on tient compte du prix d’un forfait de connexion mensuel ? Pour les 390 millions d’internautes européens, contaminés par les plus jeunes générations, il devient évident que les séries, généralement, les films et la musique, sont disponibles aisément, en dehors de considérations de légalité. Et demain, si Internet attire plus que la télévision, l’impact éducatif issu de la bonne conscience du XXe siècle, sera définitivement anéanti par un média, présenté comme une « fenêtre libre sur le monde », il y a encore quelques années, mais au fond nettement plus abrutissant que la télévision. Problème : cela dépend pour qui. Certes, en France, les modèles d’émissions à succès accessibles à tous par la TNT, de la téléréalité « Pékin Express » sur M6 aux combats de catch sur NT1, ne sont pas des références d’épanouissement spirituel, à moins de devenir une relaxation bas de gamme nécessaire à la santé mentale des intellectuels, mais le libre choix des « programmes » sur Internet, notamment de vidéos de bas-étage sur le service Youtube, pourrait faire regretter à ceux qui partagent encore un idéal de société égalitaire en matière d’éducation, la navrante trash-TV, devenue, au fond, moins méprisable. Pour les plus talentueux de la recherche en ligne, sur le continent, même si le piratage de fichiers, essentiellement de films à caractère humoristique, est en baisse par rapport à 2007, même si le « téléchargement légal » gagne des adeptes, reste le libre choix, correspondant aux envies réelles du consommateur. A ce degré de pénétration dans la vie ordinaire, Internet nous replacerait ainsi devant qui nous sommes, en fonction de ce que nous voulons, en dehors des guides communs, plus ou mois supervisés par les parapluies étatiques. Un retour, prévisible, à une forme de barbarie culturelle.

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