La Clau
Le grand cafouillage de la mairie de Perpignan et de la Bressola

Le différend qui oppose le réseau d’écoles catalanes La Bressola à la mairie de Perpignan, au sujet de l’acquisition du monastère Sainte-Claire, n’est pas simple. Alors que nous évoquions, ce jeudi 14 octobre, une “entrave” municipale au projet de collège-lycée, le maire Louis Aliot (Rassemblement national) fournit des précisions. L’enjeu est d’éteindre un incendie médiatique attisé par des prises de position partisanes, erreurs factuelles et interprétations exagérées du journalisme militant.

Le premier magistrat évoque par communiqué une polémique politicienne et récuse un quelconque blocage du dossier, ce vendredi 15 octobre. Selon lui, la soudaine préemption municipale sur le site religieux serait le fruit de son propre constat sur le potentiel des lieux, lors d’une visite, le 24 juillet 2020 : “je me suis rendu sur ce site dont j’ai mesuré le caractère remarquable sur le plan patrimonial, historique et culturel”. La “préservation du patrimoine perpignanais” est “le seul et unique motif à l’origine de la décision de préempter le couvent des Clarisses” (sic), assure le porte-parole de la campagne de Marine Le Pen en 2022.

Il vaut mieux s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints

L’incident relève d’une accumulation de faits produisant un embrouillamini de premier ordre. En effet, les responsables de la Bressola, Eva Bertrana et Jean-Sébastien Haydn, ainsi que l’avocat Guillem Nivet, ont visité le monastère en mars 2021, puis rencontré la mairie en la personne du 1er adjoint, Charles Pons, en avril. Celui-ci leur a garanti oralement l’absence de projet municipal, c’est-à-dire de préemption sur ce lieu. Le feu vert municipal envers une acquisition semblait implicite. “Pour nous, cet engagement oral a eu valeur de contrat”, indiquait J.S. Haydn, président de La Bressola, ce vendredi sur Ràdio Arrels. Il s’agit en réalité d’un malentendu, car la validation de l’élu, sous le sceau de la confiance, ne revêt de valeur légale que pour la Bressola. En clair, la manière et l’individu n’étaient pas les bons. En creux, Louis Aliot désautorise son 1er adjoint en déclarant “Il fallait rencontrer le maire », c’est-à-dire qu’il vaut mieux s’adresser au Bon Dieu qu’à ses saints.

Or, de source bien informée interne à l’Hôtel de Ville, Charles Pons ne dispose plus des grâces dont il faisait l’objet de la part du maire au début du mandat. Depuis, l’adjoint à la Culture, André Bonet, est devenu le numéro 2 réel de la Ville de Perpignan. L’affaire résulte ainsi d’un dysfonctionnement municipal, non d’un coup de frein d’extrême-droite. Le maire indique d’ailleurs, au sujet de la Bressola, que la Ville “apporte un soutien financier massif à cet établissement privé”, illustré par 190 000 euros de forfait scolaire légal auquel s’ajoute la mise à disposition “à titre gracieux” des locaux d’enseignement. Il ajoute : “la polémique que certains tentent d’alimenter ne résiste donc pas à la réalité financière qui, elle, démontre tout le soutien que le Ville apporte à l’enseignement du catalan” (la formule est simplifiée, il s’agit en réalité de l’enseignement du catalan en tant que matière linguistique, mais aussi d’enseignement des mathématiques, de l’Histoire-géographie ou du sport en catalan).

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Le fond de l’affaire semble donc être tout autre qu’un choix politique. Après Charles Pons, Louis Aliot a bien rencontré La Bressola, qui l’a informé de son souhait de créer un nouvel établissement à Perpignan, mais “jamais ils ne m’ont évoqué ce lieu”, certifie le maire. Il ajoute : “nous avons en revanche parlé des anciens locaux du GRETA -situés sur l’avenue du Maréchal Joffre, comme le monastère- et du site Percier”, proche du Lycée Picasso. Le premier des deux sites était d’ailleurs évoqué sous le dernier mandat de l’ancien maire, Jean-Marc Pujol, comme possible destination du collège-lycée de La Bressola.

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Un acte notarié sans mention de “La Bressola”

Comme pour ajouter involontairement de la complexité et du piment au dossier, la Bressola a signé un sous-seing d’acquisition du monastère, le 6 août, après avoir obtenu les promesses de financement de la Région “Occitanie”, du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales et du gouvernement catalan, soit 1,5 million d’euros au total (400 000 euros pour chacun des deux premiers partenaires, 750 000 pour le troisième). Le financement , dans lequel la mairie est absente, doit être complété par un prêt de 1,2 million d’euros et 80 000 euros d’auto-financement, pour un investissement global de 2,78 millions d’euros. L’arithmétique semble parfaite, mais l’acte notarié n’a pas été effectué au nom de l’association La Bressola. Le maire dénonce ainsi l’accusation de “trahison” et d’entrave formulée par la Bressola. “Quand la commune a préempté le couvent des Clarisses (Sic), elle ne pouvait en aucun cas savoir que La Bressola cherchait à l’acheter”, soutient-il.

Le lieu idéal pour un établissement catalan

Les engagements positifs de Louis Aliot au sujet de la Bressola sont répercutés dans le quotidien l’Indépendant de ce même vendredi : “l’édile souligne ne pas être opposé au projet de la Bressola et jure même l’accompagner en ce sens”. Si tel est le cas, seul l’avenir proche révèlera si la mairie de Perpignan nourrit un réel projet de requalification du monastère des Clarisses, ou si sa préemption des lieux est une simple “mise au parking”, en attendant les idées. Ce monument peut devenir le “Collège-Lycée Antigó”, selon le projet de La Bressola, en référence à l’abbesse catalaniste Anna Maria Antigó i Pujol, dont la dépouille, miraculeusement intacte depuis 325 ans, repose à Sainte-Claire et rejoindra prochainement la cathédrale de Perpignan. Cette “sainte” est en attente de béatification depuis exactement 100 ans.

Consultez ici le projet de Collège-Lycée Antigó de La Bressola.

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