La Clau
Romain Grau : « Que le PS dirige Perpignan ? Non merci ! »

La Clau : Quel est le plus grand problème de Perpignan ?

Romain Grau : Sans hésiter, l’économie, dont découle le bien-être social. Il nous faut nous développer, prospérer, favoriser la création d’emplois et l’implantation d’entreprises. C’est la raison d’être du combat pour l’emploi que nous menons à l’Agglomération Perpignan Méditerranée avec son président, Jean-Paul Alduy. Ensuite, il faut affronter avec ténacité et professionnalisme des problèmes comme la sécurité ou la politique de cohésion sociale, en se défiant des idées à l’emporte-pièce penchant vers la droite ou vers la gauche. Prenez la politique sociale : il est nécessaire de savoir être solidaires des plus faibles, mais la solidarité n’est ni la charité compassionnelle ni l’assistanat habilement développés par le Conseil Général. En d’autres termes, il n’est pas normal que les impôts des Roussillonnais qui travaillent dur aillent financer les revenus d’assistanat de personnes venues vivre la misère au soleil. Prenez la sécurité, il est nécessaire de traiter ce problème avec beaucoup de force et de professionnalisme. Il est bon, comme Jean-Marc Pujol, notre maire, l’a fait, d’augmenter les effectifs de la police municipale.

Près de 50.000 personnes, dont certaines vous liront, reçoivent le Revenu de Solidarité Active (RSA) attribué par le Conseil général. Vous n’êtes pas un peu dur avec elles ?

Je ne pense pas. Il faut rappeler le bon sens de la solidarité : aider des personnes qui traversent une mauvaise passe est évident, mais les choses sont différentes lorsque l’aide devient assistanat, sans obligation de contrepartie. Depuis trop longtemps, le Conseil général oublie le volet insertion de cette allocation et la conséquence est ubuesque : il attribue massivement le RSA mais nos agriculteurs peinent à trouver une main d’oeuvre volontaire sur place ! Vous le savez, je suis d’origine modeste et j’ai progressé au prix de beaucoup de travail, avec la chance de trouver des mains tendues sans charité. J’ai toujours eu à coeur d’honorer la confiance des personnes qui m’ont épaulé. En termes plus politiques, les allocations publiques existent, mais la progression de notre société roussillonnaise passe par le travail. Il faut donc réactiver au plus vite le volet insertion du RSA, et quitter le fonctionnement lourd et technocratique du Conseil général, qui ne pense qu’à la communication clientéliste. Nous avons été conduits à des inepties politiques par cette logique sans contrepoids, qui nourrit des politiques avides de communication. On nous parle de solidarité, mais la communication du Conseil général est-elle utile aux gens ? On dépense sans compter pour le confort de quelques-uns, des cuisines et salles à manger d’apparat pour le président aux bureaux de standing. Bien sûr, l’actuel pouvoir socialiste s’attache à ignorer tout cela et préfère nous enfumer de phrases toutes faites sur la solidarité.

Le Romain Grau de 2014 pointe son nez. Mais vous êtes engagé derrière, ou à côté du maire UMP, Jean-Marc Pujol ?

Je le dis depuis longtemps, j’appartiens à une équipe municipale dont le leader s’appelle Jean-Marc Pujol : je ne vis pas tout cela comme un chemin de croix. J’apprends énormément avec lui, je suis clairement engagé et je partage ses valeurs fondamentales. Je ne suis pas très compliqué car je fais mon job, j’essaie d’amener ma pierre à l’édifice collectif. Les gens ont voulu créer des bisbilles entre nous, mais nous sommes deux pragmatiques, chacun fait son travail chacun à sa place. Jean-Marc nous montre cela à son poste de Maire, je m’attache à le faire plus modestement depuis la vice-présidence de l’Agglomération auprès de Jean-Paul Alduy. Vous savez, je pense que l’essentiel n’est pas de savoir si les uns s’entendent bien avec les autres, mais que nous travaillions dans l’intérêt des Roussillonnais. C’est déjà compliqué comme cela, alors, si jamais nous y rajoutions des querelles d’égo, le combat politique perdrait de son intérêt.

La fédération des Pyrénées-Orientales de l’Union des Démocrates et Indépendants (UDI) fonctionne depuis le 6 juin. Sa composante majoritaire, le Parti Radical (PR), annonçait le 10 février vouloir « peser de tout son poids » dans les municipales de PPN. Quel est le poids ?

Le poids du centrisme est fondamental et doit redevenir encore plus important car l’équilibre de l’action publique est une notion défendue avec force par le centrisme, qu’il soit laïque comme le PR, ou démocrate-chrétien. Cette recherche d’équilibre nous amène à être des girondins favorables à une décentralisation authentique, mettant l’accent sur la participation des citoyens et sur les contre-pouvoirs. Elle nous invite aussi à prôner une baisse franche de la pression fiscale, pour restaurer l’esprit entrepreneur dans notre pays. A Perpignan, comme ailleurs, nous devons faire entendre cette voie libérale et humaniste, tout en étant conscients que notre famille politique est une alliée naturelle de l’UMP. Donc à Perpignan comme ailleurs dans le département, nous dialoguons d’abord avec nos alliés naturels, en posant l’exigence d’un discours clair et dépourvu d’ambiguïté par rapport au Front National.

De-ci de-là apparaît une porosité UMP-FN… Vous la craignez ici ?

Je la crains en France et nous pouvons parfois la craindre chez nous. Tout le monde n’a pas le courage d’un Daniel Mach (ndlr. Député UMP de 2002 à 2012 sur la première circonscription des Pyrénées-Orientales) lors des dernières élections législatives, préférant le choix de l’honneur aux tractations nauséabondes, tout en perdant son siège de député. Maintenant, je connais les valeurs de Jean-Marc Pujol, nous partageons souvent sur ce point-là. Il a combattu le FN avec courage et constance, j’ai entièrement confiance en lui sur ce point. Je connais aussi les valeurs humanistes du président de l’UMP dans notre département, François Calvet avec qui nous avons de nombreux points de convergence. Mais clairement, avec Jean-Paul Alduy, nous sommes et restons vigilants sur cette question.

Vous évoquiez il y a quelques mois une « société fondée sur la confiance » et défendiez un « pacte du vivre ensemble ». Où en êtes-vous sur ces aspects ?

Depuis bientôt un an nous travaillons au sein du club de réflexion Perpignan 2020 sur un projet pour la ville. Nous avons avancé sur de nombreux points, qu’il s’agisse de l’urbanisme, de la sécurité, du tourisme, du commerce, de la circulation et bien d’autres. Nous travaillons et structurons des idées, selon une méthode qui consiste finalement à ne pas considérer les électeurs pour plus bêtes qu’ils ne sont. Pour convaincre, il ne suffit pas de dire « je suis là et je voudrais avoir le pouvoir ». Il faut avoir ce souci de la modestie et du travail. Ce souci m’a aussi permis de connaître des hommes et des femmes de grande qualité à Perpignan. Sur la société de confiance, nous avons abordé la nécessaire exigence de sécurité par l’accroissement des effectifs de la police municipale mais aussi l’exigence de faire de Perpignan un laboratoire d’idées et de projets en matière d’éducation ou sur la protection de l’environnement. Cette société de confiance sur Perpignan sera un combat de longue haleine.

Suite à un unique sondage, sur un panel restreint, la majorité municipale de Perpignan semble avoir déjà gagné l’élection. Excès de confiance ?

Bien sûr que trop de confiance est un danger majeur en politique, comme plus généralement dans la vie… surtout quand on parle de sondages ! Regardez oh combien Balladur était élu confortablement un an avant les élections de 1995 et comment Jacques Chirac a fini par l’emporter. Mais la majorité municipale conduite par Jean-Marc Pujol évite cet écueil, notre maire fait preuve toujours de la même modestie, de la même prudence. Il nous incite tous à travailler beaucoup au service de la ville et a mille fois raison d’ailleurs, car c’est la seule chose qui compte.

Justement, le député PS Jacques Cresta visite une entreprise par jour à Perpignan, l’opposante à la majorité municipale Jacqueline Amiel-Donat souhaite « passer la vitesse supérieure » et la députée Ségolène Neuville, qui a confirmé le 15 juin son refus d’une place de leader, affirme « une dynamique est lancée ». Au-delà du vote des militants sur leur tête de liste, le 28 juin, Perpignan peut-elle être socialiste ?

Peut-être que Perpignan peut devenir socialiste. Bien sûr, je ne le souhaite pas ! En revanche, la vraie question à traiter est de savoir si les Perpignanais gagneraient à être sous la férule d’une équipe issue du Parti Socialiste. A cette question, je vous renvoie à ce qui se passe au niveau national : depuis que le PS a repris les affaires en 2012, le pays s’est enfoncé dans une fiscalisation insupportable, dans un chômage toujours plus impressionnant, une récession et une désindustrialisation sans précédent pour notre pays. Et vous voudriez que des socialistes dirigent notre ville ? Non merci !

Il y a 20 ans, le 13 juin 1993, Jean-Paul Alduy devenait maire de Perpignan et tentait de repositionner la ville sur la carte, sur l’idée que l’Europe commence à Barcelone. Votre bilan ?

Beaucoup de choses ont été faites, mais aujourd’hui la Catalogne vit un processus vers une éventuelle indépendance qui impose une évolution de notre part. Nous devons savoir prendre des initiatives fondées sur l’économie et la société, en évitant le travers très français de créer des zinzins administratifs que nos amis sud-catalans, pragmatiques et libéraux au plus haut point, ne prennent pas au sérieux. Sachons rendre possible le rapprochement économique. Beaucoup de choses doivent être faites encore : il nous faut développer l’apprentissage du catalan, les échanges de jeunes de part et d’autre, les visites économiques au sud et au nord. Nous devons aussi attirer chez nous une clientèle touristique hors-saison et trouver là-bas des viviers de formation de très haut niveau pour nos jeunes. Pensez par exemple qu’une des plus grandes écoles de commerce au monde, l’Esade, est à Barcelone.

Propos recueillis par M.D.

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