La Clau
Jean-Paul Alduy quitte la vie politique

Le retrait politique de Jean-Paul Alduy, pressenti depuis 2009 suite à sa démission du poste de maire de Perpignan, a été confirmé par l’intéressé ce jeudi 30 janvier. A l’occasion de la cérémonie des voeux au personnel de l’Agglomération Méditerranée, suivie d’une même célébration adressée aux forces vives économiques de ce territoire, organisées au Palais des Congrès de Perpignan, le personnage marquant de la vie politique de la ville pendant 22 ans a annoncé son départ. Cette séquence a même fait l’événement en direct sur France 3, qui avait déployé une équipe sur place. Président de l’Association des Cadres catalans de Paris de 1988 à 1991, année de la préparation, à 49 ans, de son entrée en scène électorale, l’homme sur le départ a ravi un siège de conseiller général du canton du quartier Nord du Vernet, en mars 1992. Le redoutable débatteur aura ainsi consacré, relativement sur le tard, 22 années à un exercice qu’il fuyait auparavant. Enfant de la diplomatie française, né de la lignée catalane d’un père, Paul Alduy, né en Amérique latine, Jean-Paul Alduy aura signalé son passage par la création d’ambiance. Du souffle nouveau instauré en 1993 par sa liste de société civile « Perpignan Oxygène », dont l’ingrédient chimique était emprunté à Jean-Louis Borloo, jusqu’à « Perpignan au Coeur » en 2009, avec pour intermédiaire « Perpignan Energie » en 2001, celui encore fréquemment nommé « le maire » aura drainé plus d’une centaine de colistiers, tout en vivant deux élections municipales partielles mouvementées, la première puis celle de 2009, dans la constance du centre-droit. La capitale du Roussillon reste ainsi durablement infusée par un modèle, au-delà de la candidature du maire sortant, l’UMP Jean-Marc Pujol, le « seul capable, dans la liste de 2009, de diriger la ville » selon les affirmations discrètes de son prédécesseur.

Trop formé pour ne pas s’ennuyer à Perpignan

Membre du Centre des Démocrates Sociaux (CDS) puis de Force Démocrate, fondus dans l’Union pour la Démocratie Française (UDF) en 1995, président de l’UMP des Pyrénées-Orientales de 2002 à 2007, sénateur de 2001 à 2011, le petit homme parfois surnommé « zébulon », pour son style électrique et sa verve de polytechnicien doublée d’une sensibilité de peintre, restera cependant gêné avec la classe politique. Véritable centriste, trop à gauche pour être à droite et trop à droite pour être à gauche, ce profil rare, non affilié à la franc-maçonnerie, aura déparé pendant près d’un quart de siècle en Roussillon, en suscitant une variété de sentiments et en écartant l’indifférence. Trop formé pour ne pas basculer dans l’ennui à Perpignan, trop dispersé et pas assez introduit à Paris pour obtenir un secrétariat d’Etat ou un ministère, celui de la Ville, malgré d’insistantes rumeurs précédant le tournant de siècle, la personnalité Alduy comporte sa part de mystère. Mêlant l’art de la distance à celui de la confidence, le fils de maires, forcé à la real politik dès 1995 après le mirage de l’engagement citoyen de 1993, incarne le modèle finissant des véritables personnalités politiques, auxquelles les Pyrénées-Orientales ont fait succéder une classe souvent soumise aux urnes par accident, faute de ressources humaines, dans un royaume des borgnes nourri de malentendus. En ce sens, constatant le résultat des législatives de 2012 dans les Pyrénées-Orientales, le président de l’Agglomération déclarait à ses proches « on est tombés bien bas », eu égard à la dégradation intellectuelle du territoire de ses ancêtres. Fruit de la présence française dans le monde, Jean-Paul Alduy s’inscrit dans la chaîne du couturier Jacques, l’arrière-grand-père paternel parti en Egypte au mitan du XIXe siècle, de Pierre, le diplomate consul de France à Riga ou encore à Lima, où naîtra son père, Paul Alduy, réinstallé dans la terre d’origine, décédé en 2006. Mais en marge du bilan de plus de vingt années, qui font constater que le politique ne peut pas tout, le « fils Alduy », et même « Aldouy » pour les anciennes générations, continuera d’être inclassable. Maîtrisant le français parisien tout comme un catalan appris en tant que maire, démontrant par l’exemple une ambition géopolitique progressivement avérée, Jean-Paul Alduy, l’homme du Théâtre de l’Archipel dont il reste le président, aura compris, en tant que descendant d’ambassadeurs, que Barcelone, principal hub de proximité, est aussi une plateforme vers les ailleurs. A ce titre, il reste significatif que « son » TGV conduit plus vite vers l’aéroport de Barcelone, c’est à dire vers Boston, Abu Dhabi et Pékin, tandis que celui de son opposant viscéral, Christian Bourquin, constituerait un trait d’union vers Paris, interprétée comme un absolu.

Passage de relais en coulisses

Les réunions, discussions et déjeuners se sont accélérés depuis le début de l’année avec et autour de Jean-Paul Alduy, dans l’insinuation d’un véritable testament politique, assorti d’une volonté de transmission, que celui dont l’empreinte est garantie par les transformations urbaines consignera dans un livre à paraître le 15 février. Le dauphin Romain Grau occupera ainsi une place de grand choix sur la liste menée par Jean-Marc Pujol à l’occasion des élections municipales de mars. Dans cette prévision de relais, l’actuel maire est ainsi voué, dans l’hypothèse d’une victoire, à assumer une parenthèse. La filiation choisie avec le jeune avocat fiscaliste, âgé d’à peine 38 ans, rompt ainsi le cycle alduyste de Perpignan, car la propre descendance reste distante de la chose politique. Cécile Alduy, professeur de littérature française à l’Université de Stanford lui manifeste cependant un intérêt spirituel, tandis que Manuel Alduy, personnalité de l’audiovisuel français, diplômé de HEC et de Columbia University, à New York, directeur du cinéma à Canal+ depuis 2005, y gère depuis le 24 janvier 2014 l’unité Canal OTT, consacrée aux stratégies électroniques. A 71 ans, l’essaimeur d’idées, tout aussi admiré que critiqué, quitte le monde des rancoeurs et des contentieux politiques, pour retrouver, en famille, les parfums de son première voyage d’études en Grèce, accompli l’année de ses 17 ans. Paraissant 10 ans de moins que son âge réel et jouissant d’une santé enviable, il affirme d’ailleurs « mon poids et ma taille n’ont jamais changé depuis cette époque-là ».

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