La Clau
1,8 million d’indépendantistes à Barcelone, et après ?

La manifestation du « V » de volonté, de vote et de victoire organisée ce 11 septembre 2014 à Barcelone a atteint le but visé. L’Assemblée Nationale Catalane, structure dégagée du champ politique déclaré, souhaitait que la clameur populaire alerte l’opinion internationale. Le quotidien Le Monde titrait « A Barcelone, très forte mobilisation des Catalans pour l’indépendance », pendant que The Guardian publiait en direct des photographies de la mobilisation. Les avenues Diagonal et Gran Via, cumulant 11 kilomètres, ont reçu 1,8 million de personnes, dans une marée de drapeaux indépendantistes dont s’étaient abondamment parées les fenêtres des Barcelonais. The Wall Street Journal a souligné que la vague souverainiste « défie » le gouvernement espagnol, tandis que l’agence Associated Press diffusait en direct le grand V humain, pour informer ses médias abonnés. Au total, 200 journalistes étrangers étaient présents dans la ville des prodiges, comme autant de signaux envoyés aux milieux économiques et cabinets politiques internationaux.

Un imbroglio politique annoncé

Cette mobilisation, sous la bannière « C’est le moment, unis pour un pays nouveau« , s’est inscrite dans une journée officiellement devenue nationale en 1980. Son succès renforce l’imbroglio actuel, car l’envie d’un référendum sur l’indépendance s’est affirmée dans le calme. Mais le système institutionnel espagnol, Premier ministre en tête, ne souhaite pas autoriser une séquence démocratique qui sortirait la Catalogne de l’Espagne et priverait le pays de 19 % de PIB. La détermination populaire catalane ne fait pas de doute et le gouvernement catalan, mené par le président Artur Mas, appuie un référendum jugé illégal par Madrid. Le 22 ou le 23 septembre, M. Mas signera son décret de mise en place, pour le 9 novembre mais le barrage de la Cour constitutionnelle espagnole est prévisible, malgré un scrutin sans conséquences juridiques.

Une erreur de diagnostic à Madrid

Dans la soirée, Artur Mas a une nouvelle fois lancé une invitation à négocier à Mariano Rajoy, qui défendait la « solidarité » et « l’unité » de l’Espagne. La référence à l’égoïsme régional dépasse pourtant le cadre actuel, car la Catalogne a pour attributs une langue réellement parlée, un territoire défini, une littérature millénaire et un esprit d’entreprise reconnu. Sa reconstruction politique en moins de 40 ans, depuis la mort du général Franco, l’a renationalisée, en quelque sorte. Ainsi, Barcelone diffère de Madrid dans la langue usuelle des écoles, comme cela est observé banalement entre Paris et Bonn. La mondialisation, la confiance en soi et la crise, dégradant la « marque Espagne » à l’international, ont sorti des marges le sentiment souverainiste, car l’évolution, les technologies et l’ouverture européenne ont favorisé l’idée d’exister sans l’Espagne, probablement mieux. Mais le gouvernement espagnol, dirigé par le très droitier Parti Popular, a cru, plusieurs années, assister à une posture romantique en Catalogne. La minorisation de faits objectifs a appuyé un désir de recentralisation forcé par les difficultés économiques. La stratégie indépendantiste est d’exporter cette analyse à plusieurs étages, afin d’éviter les résumés produits pas la distance et de faire valoir un droit ordinaire.

La Commission européenne attend, Fabius s’oppose

Ce jeudi 11 septembre, la Commission européenne a livré sa position sur l’indépendance de la Catalogne par la voix de son porte-parole, Fréderic Vincent. Celui-ci indiquait qu’un Etat catalan devrait formuler sa demande d’adhésion à l’Union européenne, mais que cette formule n’est possible qu’en cas de sollicitation d’un Etat-membre. Dans une démarche inimaginable, l’Espagne devrait ainsi soutenir à Bruxelles l’adhésion de la Catalogne. La Commission prévoit cependant de détailler un processus si l’indépendance l’emporte au référendum écossais du 18 septembre. De son côté, le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait « La France ne reconnaîtra pas un référendum contraire à la Constitution d’un Etat ». Aucune procédure standard accompagnant la sécession de territoires n’étant prévue, une indépendance catalane induirait nécessairement une solution sur mesure.

Document Euronews, 11 septembre 2014.

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