La Clau
La vague de Duffy, inspirée d’Amy Winehouse, est-elle viable ?

Le protectionnisme culturel est déconcertant lorsque la FM française accuse un repli identitaire pour protéger une « nouvelle chanson française » téléphonée, bourgeoise et locale comme jamais. Cet étrange phénomène aux références blanches, dans une société qui prône la diversité, côtoie celui de la jeune scène, britannique et féminine, qui réussit, pour l’instant, une synthèse sixties et contemporaine. Au catalogue des midinettes en vogue, la Galloise Duffy, 24 ans, révélée, en 2003, à la télévision, par l’émission de télé-réalité « Waw Ffactor », mais surtout commercialement propulsée au printemps 2008, prend le relais d’Amy Winehouse, trop vitre cramée à moins d’un regain. Sur son premier album, « Rockferry », Duffy rappelle Aretha Franklin ou Dusty Springfield, dans une séduction irrésistible sur une base guitare-basse-claviers. Références bluesy, ballades et attitude « rétro sans plus », tout cela porté par une gamine de la génération Internet, préfigure une décennie 2010 probablement captivante face à nos piètres années 80 et 90. D’ailleurs, on se demande si la période 70-95 a réellement existé dès lors que l’on se penche sur le système de valeurs musicales qui transpire dans ce premier album, qui saute une génération. Déjà, tout au long de 2008, le charme désuet et criant d’actualité de la chanson « Sweet about me », de la femme-enfant Gabriella Cilmi, née en 1991, démontrait qu’il est temps de solder les vieilleries pour mieux les assimiler, en évitant l’héritage sans inventaire imposé par les ex-jeunes, ados voire déjà adultes dans les années 60 et 70.

Les gamines anglophones sont une synthèse du temps

Dans les années 90, la Britpop d’Oasis avait piqué leur image aux Beatles, cheveux passés à la tramontane puis au gel vu à la télé. Plagiat amélioré, sans autre fantaisie sinon celle du chanteur déchiré façon 70’s, dans une époque hygiéniste ou l’overdose est passée de mode et la dégaine de jadis factice, légère et toute calculée. Les filles d’aujourd’hui travaillent aussi leur physique, elles alternent, comme Duffy, le noir et blanc et la couleur sur leurs photos officielles, et obéissent aux canons de la catégorie des « nouvelles Amys », en référence à Amy Winehouse. Le trio de tête formé par Duffy, l’Anglaise Adele et l’Australienne Gabriella Cilmi, se partage le mouvement, avec une innocence toute commune mais une émotion parfois surfaite face à Amy, considérée, dans un jeu d’ombres, comme le moule d’un modèle viable. Leurs points communs sont flagrants : elles sont filles, jolies, incarnent une synthèse du temps par le look et par le son et sont aptes à plaire à toute la famille, gage de réussite commerciale. Elles ne sont pas américaines, comme le consignait le Washington Times, le 15 mai 2008, en titrant « A female British Invasion », preuve que le creuset musical dont le jus sera tantôt dupliqué sur le reste du monde est, outre anglophone, généralement établi outre-manche. Justement, le sort de Duffy et du mouvement lié sera scellé à Londres le 18 février lors de la prochaine cérémonie des Brit Awards, qui pourrait bien désigner « Rockferry » comme album de l’année, dont le single « Mercy» est un marqueur du temps courant. On en reparle dans 10 ans ?

Duffy, « Rockferry » – Polydor, mars 2008.

Myspace : www.myspace.com/soulego

Site officiel : www.iamduffy.com

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