La Clau
La musique taurine, une grande discothèque en plein air

L’utilisation de la musique fait partie du spectacle taurin depuis si longtemps, l’Antiquité peut-être, qu’il est difficile d’en situer les premiers âges. Depuis les temps modernes, ouverts au XIXè siècle dans la ville andalouse de Ronda, différents ensembles musicaux répondent dans l’arène à des codes spécifiques à la tradition tauromachique et à ses variétés régionales, culturelles et musicales. L’intro est immuable : la corrida commence en musique avec le paseo, défilé des participants à la course, matadors et leur quadrille, picadors, peones, rythmé par le pasodoble, savamment choisi. Le pasodoble est une adaptation libre des marches militaires allemandes importées en Espagne à l’époque de Charles Quint. Quelques-uns restent célèbres, comme « Pan y toros » (1864), « La Giralda de Sévilla » (1889) ou « La gracia de dios » (1893). Comme dans un film avec image et son, leur rythme, lent et scandé, développe un climat dramatique et cérémonial qui suscite l’émotion. Les pasos illustrent parfaitement les arabesques dessinées sur la piste par l’homme et le taureau…

Electro, classique, rock ou taurine, la musique garde sa fonction sociale

A Séville seulement, le directeur de l’harmonie décide de souligner, ou pas, les moments brillants d’une faena, c’est à dire la phase finale du travail de la cape. A Madrid, depuis une bagarre générale dans les gradins en 1939, on ne joue plus rien durant cette fameuse faena. A Mexico, c’est la Dana, musique entraînante, qui remplace le pasodoble. En Aragon, la sortie du dernier taureau est saluée par une « Jota de los toros », et à Céret, en Catalogne du Nord sous bannière française, officie une cobla, composée d’instruments traditionnels catalans. L‘ A.D.A.C, l’association qui organise les corridas de l’été a rétabli dans les années 1990 cette tradition musicale. Entre le cinquième et le sixième taureau, la cobla fait résonner une vibrante « Santa Espina », la sardane des sardanes, accompagnée par les applaudissements rythmés du public, qui esquisse un début danse. Car dans toutes les férias d’Espagne, France ou Amérique du Sud, la musique est avant tout très populaire. Elle relève d’une certaine tradition rurale et paysanne. En Andalousie, dans de nombreuses férias, les femmes du village, de la vingtenaire à la mémé, revêtent la robe à pois. Les hommes portent l’habit de gardian pour festoyer, chanter et danser la sévillane de bodega en bodega, toute la nuit. Là-bas, la corrida ne concerne que les aficionados et les habitants aisés, car le ticket atteint parfois 20% d’un revenu rural ! Un vrai luxe, comme celui de se payer un billet pour la tournée The Police 2007 à Barcelone ou à Paris.

Références album : Cobla Barcelona, « La sardana és la dansa més bella » – Impacto – 1977.

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