La Clau
Kargol’s are back : le skacore n’avait pas dit son dernier mot

En 1992, pendant que le monde entier a les yeux tournés vers Barcelone et ses Jeux Olympiques, la jeunesse de Perpignan découvre les Kargol’s et son skacore, mélange de ska et de musique hardcore. Née d’une fusion entre deux bandes d’amis dont l’influence était d’un coté le punk et le rock alternatif et de l’autre le ska, les Kargol’s (escargots en catalan), ont développé et mélangé les styles. Pendant quelques années, les Perpignanais se produisent dans des petits festivals du Sud de la France mais aussi de la Catalogne Sud, où la scène est prolifique. Le premier album, un 9 titres de 45 minutes, sort en 1996. « Ma ! J’galère » installe Kargol’s dans le paysage ska–rock français, et Perpignan s’impose comme la capitale d’un mouvement musical dont les frontières sont assez floues, entre reggae, punk et hardcore. La musique est dure et parfois violente, avec une présence appuyée des guitares, en contraste avec des paroles pacifiques. Les textes de Kargol’s sont engagés, sans surprises : liberté, antimilitarisme, pauvreté, lutte contre le nucléaire. On est en pleine période anti-mondialisation avec les manifestations de Seattle de 1999 et l’émergence en France de José Bové. Kargol’s, mais aussi d’autres groupes comme Les 100 grammes de têtes, également de Perpignan, se font l’écho de ses revendications. Le public, jeune, adhère à ce discours et à cette musique. Un discours pourtant méprisé par les élites et une musique souvent ignorée par le public et par les médias parisiens, sur un schéma qui rappelle, à certains égards, la carte d’implantation du rugby populaire.

Le skacore, une musique essoufflée ?

Le mouvement intitulé skacore se moque bien de Paris et trouve un large écho en Catalogne Sud. Les catalans de Komando Moriles, originaires de La Bisbal, font un carton dans tout le reste de l’Espagne, sur des textes tout aussi engagés, abordant la lutte contre la dette des pays pauvres, les inégalités Nord/Sud et l’antilibéralisme, qui inspirent de nombreux autres groupes, plus modestes, qui rencontrent un vrai succès de Perpignan à Barcelone dans la décennie 1990. Côté musique, Kargol’s assume les influences de pointures du reggae et du ska jamaïcain : Bob Marley, Steel Pulse, Skatalies, mais aussi des groupes de hardcore comme Suicidal tendencies ou Bad Brain. Mêmes références chez les « 100 grammes », comme en témoigne « Trafic d’influence », un album de reprise sorti plus récemment, en 2004, où les Perpignanais rendent hommage à Frederick Hibbert, l’un des pionniers du ska. Le groupe n’oublie pas la Catalogne, en faisant appel, dans le morceau « La nuit est à nous », à la cobla Combo Gili, implantée depuis près d’un siècle en Catalogne du Nord. En prenant du champ, le constat est surprenant : le succès se mesure surtout à l’époque dans les salles de concert et les festivals, avec des groupes fait avant tout pour la scène, voire la « fête », selon la revendication explicite de Komando Moriles. Les Kargol’s, par des centaines de concerts, engrangent une forte notoriété, mais son déclin survient à cause d’un drame : le 4 septembre 1999, au cours du Festival Stop Hipocrisy, alors que le public rejoint le groupe pour « skanker » avec lui, une partie de la scène s’effondre et un spectateurs meut écrasé. A l’époque, seul le chanteur de Kargol’s est mis en examen pour homicide involontaire, puis on évoque une « affaire Kargol’s ». Des pétitions et des concerts sont organisés. Les organisateurs du festival et la société prestataire du matériel finissent eux aussi par être jugés. Mais le mal est fait et les membres se dispersent en 2002. Dès lors, beaucoup ont eu le sentiment que mouvement s’essouffle, quoique les festivals attirent toujours autant de monde. Le groupe Korttex, qui a été rejoint par le chanteur Yannick, des Kargol’s, est aujourd’hui l’un des piliers du skacore catalan. La reformation des Kargol’s à l’occasion du festival Ida y Vuelta 2009 à Perpignan, montre le ressort d’une musique à la marge des tendances éphémères.

Infos sur le groupe : myspace.com/kargols

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