Quand la plus grosse chaîne de TV française et européenne se lance dans la culture régionale (comprenez « pas à Paris, mais vu depuis Paris »), c’est génial. Vendredi 30 mai 2008, TF1 proposait donc un quiz régional intitulé «Nord/Sud : le grand match», annoncé sur l’antenne par un teaser musclé : deux figures de la chaîne, le Picard-nordiste Jean-Pierre Pernaut, natif d’Amiens, et le Provençal-sudiste Jean-Pierre Foucault, né à Marseille, munis de gants de boxe, y miment une rivalité entre le Nord et le Sud de la France. Ah bon ? Déjà, en 2000, TF1 avait largement participé à l’ouverture de TV Breizh, la chaîne bretonne avide de séries vintage en français, ou, en 1988, elle avait aidé au développement de TLT-Télé Toulouse. Mais pour le coup, le match Nord / Sud est un drôle de pas en avant, dans le sillage d’un « Bienvenue chez les Ch’tis ». Dans le duel proposé par TF1, forcément, tout est et doit être grossier, car le mainstream de la 1ère chaîne se doit d’intéresser un maximum. Par les temps qui courent, les programmes semblent d’ailleurs scindés en trois catégories : les émissions populaires (souvent populistes, dont le seuil de compréhension ne doit pas excéder le niveau 5ème de collège), les programmes « familiaux », gnan-gnan et téléphonés, et les émissions culturelles, que les populistes eux-mêmes nomment « élitistes », alors que « eux s’adressent à tout le monde car ils ne sont pas sectaires » (en interne on dit « segmentants »). Et pour tout le monde, pour la frange populaire, qu’existe-t-il ? Le foot ! « Qui a remporté le plus de victoire entre les Paris Saint-Germain et l’Olympique de Marseille » est l’une des questions posée lors de l’émission, bien entendu basée sur le jeu (sinon, c’est élitiste, je vous dis). Pour aider les deux Jean-Pierre dans leur mise en caricature de deux France si variées et si peu homogènes, on retrouvait l’ex-Miss France Elodie Gossuin et le chanteur Kamini au Nord, le footballeur Pascal Olmeta et l’animatrice basque Maïtena Biraben au Sud, pendant qu’une fanfare de Dunkerque et une homologue basque, aux musiciens flanqués de bérets noirs, s’affrontaient à coup de pistons… le tout saupoudré d’interrogations du type « Le Breton est-il vraiment têtu, le Parisien râleur, le Marseillais excessif ? ». La classe ! Mais au-delà, quelque chose de nouveau se passe au pays des Lumières. Le pays s’ennuie, on ne l’écoute guère à l’international (qu’il appelle encore « étranger »), alors, faute d’anciennes dépendances, la Maison France explore ses pièces, son grenier, sa cave etc… Et elle s’aperçoit qu’il existe en son sein de vraies cultures, moteurs possibles d’une renaissance rendue nécessaire par la mondialisation. Cible à part, l’indice TF1 n’est pas négligeable car la chaîne leader se trompe rarement dans ses choix d’audience, même si, globalement, avec 25,3% en mai, celle-ci est la plus faible de son histoire. Surfant sur la vague régionale, la chaîne inventerait un modèle identitaire light à deux pôles, un Nord et un Sud fantasmés, chacun d’eux varié en son sein, mal définis (séparés par la Loire ?), et correspondant au schéma américain simplificateur du « Sud global », insinuant que le Pérou, le Vénézuela, le Chili, l’Argentine etc., c’est pareil : c’est loin, c’est au Sud, ils parlent tous espagnol, ils sont bronzés et pauvres. Nous n’en sommes pas loin dans le cas TF1. Au fait, la 1ère chaîne est-elle en cela différente des autres ?

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