La Clau
L’échec démocratique de la TNT française

La TNT française n’en finit pas d’évoluer, comme la télévision hertzienne en son temps, mais environ 40 fois plus rapidement. Les 18 « chaînes gratuites » de base, prévues dès l’origine, sont désormais 19, depuis l’ajout, courant juin, du service outremer de France Télévisions, « France Ô ». Un étonnant accès de diversité à travers la représentation, concentrée sur un seul canal, de réalités territoriales disparates, dont le point commun est l’éloignement du continent. Mais l’évolution de la TNT est surtout interne, par un enchevêtrement de groupes de communication, dont le plus célèbre, TF1, vient de signer un coup énorme.

TMC et NT1, chevaux de Troie de TF1

La chaîne TF1 jouissait déjà de la première position sur les télécommandes de millions de personnes. La voici désormais, depuis juillet 2010, propriétaire à 100 % de TMC, première chaîne de la TNT en matière d’audience, dont la grille de programmes a été dépoussiérée en 2009. Mais le média géant du groupe Bouygues possède aussi NT1, le laboratoire expérimental du pire, consacré par des films et des séries à sensations, peu chers à l’achat, un zeste d’érotisme tout aussi bon marché et de la trash-réalité, annonciatrice de la télévision de demain, voire du TF1 de demain. En lieu et place de diversité, la TNT, pourtant ouverte à bien plus de canaux que la télé à l’ancienne, embrasse ainsi une variété de façade. Mais la critique envers le Groupe TF1, consensuelle au possible, est devenue douteuse.

Diversité verticale Vs diversité horizontale

Tous les pays voisins de la France ont profité de la multiplication des canaux, fondatrice de la TNT, pour renforcer leurs représentativités culturelles et territoriales. La plupart, comme l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, disposaient préalablement de chaînes analogiques locales ou régionales. Mais le schéma actuel de la TNT made in France indique tristement l’impuissance hexagonale face à un alignement européen, encore un, encore manqué, en matière de décentralisation. Car la diversité théorique, certes réduite par la concentration économique ourdie par TF1, est aussi trustée par l’opérateur public France Télévisions, qui dispose de cinq chaînes sur ce même réseau. Epouvantable panorama : 100 % des chaînes de votre TNT sont situées à Paris, à l’exception de 44 agglomérations françaises, qui ont leur programme terrritorial. Cette diversité, verticale malgré ces temps de proximité, est évidente en France, tout en constituant une bizarrerie dans le paysage européen.

De l’incapacité à produire des chaînes locales

Le point de vue offert dans les Pyrénées-Orientales est imprenable sur la télévision, car le voisinage du territoire espagnol permet d’y recevoir jusqu’à une quarantaine de chaînes de plus, soit, en leur ajoutant la TNT française, 60 chaînes en tout, et une quinzaine de radios. Et alors ? L’offre du sud a aussi ses démons, mais elle contient entre autres les chaînes locales de Figueres, Girona et Puigcerdà, aux contenus et à l’habillage d’une incroyable dignité. Face à cela, tout porte à croire que Perpignan est une ville de « province », où le « local » est péjoratif, alors que Figueres ou Girona, plus petites, échappent à cette « troisième division » assimilée aux villes moyennes françaises, dont les élites ont déguerpi. Libres de toute notion de « province », les villes moyennes européennes font leur télévision sans complexes et représentent leurs téléspectateurs, tout en développant une démocratie de proximité. La France romprait son isolement en développant partout des chaînes locales, mais les compétences tout aussi locales, appauvries par les centralismes, provoqueraient, dans un premier temps, un brouillon médiatique. Quelle issue face à cette impuissance française à décentraliser ?

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