La Clau
Le piratage progresse sur Internet, malgré les lois

La vague du téléchargement illégal, symbole des années 2000, n’a pas disparu face aux lois installées progressivement à l’échelle des Etats. En France, le streaming, consistant à visionner un contenu (généralement un épisode de série TV) sans le télécharger, s’est généralisé, sans disparaître du champ « illégal ». Ce procédé contourne la loi « Création et Internet » de septembre 2009, concrètement appliquée par Hadopi, la « Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des Droits sur Internet ». Les comportements ont donc changé face à la menace, maximale et improbable, d’amendes de 300.000 euros et de 3 ans de prison, mais pas dans le sens espéré par l’Etat. Car une étude de l’Université de Rennes, associée au CNRS, réalisée fin 2009, révèle une augmentation du « téléchargement » illégal, malgré le gendarme Hadopi. En réalité, depuis la promulgation du texte, le nombre des piratages a augmenté de 3 % à travers le streaming, en dépit d’une baisse de 15 % du système illégal « à l’ancienne », qui consiste à stocker les contenus, de manière matérielle. Dissuasive d’un côté, la loi a française a favorisé un contournement à ses dépends. Cette enquête casse par ailleurs l’idée préconçue selon laquelle les auteurs de téléchargements illégaux bouderaient l’achat légal de contenus : la moitié d’entre eux, dont 27 % sont des utilisateurs des réseaux pirates dits « peer-to-peer », pratiquent aussi le téléchargement légal, de vidéos et de musique. L’étude bretonne certifie même que la loi Hadopi peut réduire le marché légal des contenus culturels numériques, c’est-à-dire à nuire aux créateurs.

Le piratage, un problème mondial et insoluble

Les USA font figure d’observateur planétaire de la piraterie silencieuse et individuelle, capable de transformer en délinquant tout aventurier d’un monde virtuel bien réel. En mai 2010, un rapport remis au Congrès américain a relevé une impunité accrue face aux échanges en P2P, spécifiquement au Canada, en Russie, au Mexique, en Chine et en Espagne. La “Priority Watch List” américaine vise aussi, en moindre mesure, l’Algérie, le Pakistan et le Venezuela, mais ne classe pas la France au rang des territoires « inquiétants », selon le vocabulaire dédié. Si l’intention des USA est de protéger leur industrie culturelle, que les pirates semblent amputer de 25 milliards de dollars par an, la violation du copyright est maintenant désuète, tant l’idée de posséder un contenu a perdu son sens. Au fait, qui a remarqué que le fait de disposer d’un produit, plutôt que le détenir, est simplement identique à la bonne vieille lecture de livres dans les médiathèques traditionnelles, sans emprunt, et bien sûr sans achat ? Mais le problème du « téléchargement illégal » muté en « visionnage illégal » constitue la nouvelle épreuve de la décennie à venir, lors de laquelle le contrôle des Etats sur nos pratiques, répréhensibles mais privées, pourrait devenir aussi renforcé qu’impossible et anachronique. Notamment à l’heure où les chaînes de télévision elles-mêmes proposent de visionner leurs programmes à la carte, par streaming légal.

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