La Clau
L’art du communiqué de presse à Perpignan, du meilleur au pire

Des formules de politesse poussiéreuses du Front National des Pyrénées-Orientales jusqu’aux bombardements de couleurs de la région Languedoc-Roussillon, les médias du Pays Catalan sont noyés de communiqués de presse. Exit le fax, le mail occupe désormais tout l’espace des transmissions à l’exception des fédérations catalanes du Parti Communiste et du Parti Socialiste, des Verts, de la CFDT, de la CGT, de F.O., ou encore des cabinets de députés, actuellement UMP, désespérément accrochées à l’exercice du papier, pas vraiment écologique. La gauche remporte la tendance, mais la droite n’est pas déterminée à quitter le vieux siècle. L’art du communiqué de presse peut même indiquer l’évolution qualitative de l’émetteur, tels l’Université de Perpignan Via Domitia et l’Hôpital Saint-Jean de la ville, devenus performants en vertu des compétitions. En sport, la régularité des messages du club de rugby à XIII les Dragons Catalans, créé en 2006, est sans commune mesure avec la rareté des envois de l’USAP, l’équipe de rugby à XV fondée en… 1902. A n’en pas douter, les plus petits, et plus jeunes sur la place, compensent leur déficit volumétrique par un intérêt soigné envers la presse. En France, l’art de la communication de presse a son concours, le « Grand Prix CB News de la communication Publique », dont le dernier palmarès, fourni dans la semaine du 21 septembre 2009, offre à l’Agglomération Perpignan-Méditerranée une mention spéciale pour ses efforts, réels, déployés à la présentation de la Semaine Nationale du Développement Durable. Cette entité géographique a d’ailleurs inventé le communiqué guidé par la méthode Coué, en terminant tous ses titres, du plus anodin au plus déterminant, par un point d’exclamation, qui finit par s’user et perdre sa valeur emphatique. Dans ce paysage territorial, la palme de la dispersion revient à la Mairie de Perpignan, armée, ou victime, d’une quinzaine d’envoyeurs différents, visiblement cloisonnés, notamment dans le domaine culturel : tout individu muni d’une adresse mail et d’un fichier devient une agence de presse, dans une douce anarchie. On notera l’inverse parfait, incarné par la prose napoléonienne de la Préfecture des Pyrénées-Orientales, aux envois à émetteur unique.

« L’essentiel de l’actualité est ailleurs »

A l’inverse des agences de presse commerciales, maîtresses dans l’art du Spam renforcé par des photos, la communication publique des Pyrénées-Orientales fonctionne le plus généralement à l’ancienne : les mails sont « ouverts », c’est-à-dire que chacun des receveurs est informé de l’identité des autres. Le texte, parfois trop long, n’interpelle pas le rédacteur invité à relayer l’information, pressé de boucler en copier-coller ses 10 articles, ou de partir en RTT. Parfois, la brièveté et la teneur du message confinent à l’escroquerie, tout en émoussant la crédibilité des donneurs d’ordre : un Conseil Général annonçant du « lourd » en transmettant l’ordre du jour de sa prochaine session plénière, déroute les rédactions dès lors qu’il communique, sur un ton léger, les horaires d’un concert de piano ou une félicitation au dernier exploit sportif, transmis selon le même protocole. Au pire, quand le risque est que « trop d’info tue l’info », les boîtes mail des professionnels, gonflées de messages, sont une incitation à se séparer en bloc des communiqués encombrants. Au-delà, la communication de presse, à l’origine placée au service des grandes institutions et de leurs dirigeants, à l’époque du télex des années 1970, puis démultipliée par le fax des années 1990 et carrément envahissante depuis l’avènement de l’Internet de bureau, voit désormais son impact s’amenuiser par le simple jeu des concurrences. Ainsi, le temps où tout communiqué recevait une diffusion dans la presse papier ou audiovisuelle tend à passer, l’essentiel des faits dits « d’actualité », qui restent une fabrication de l’esprit, selon l’intérêt des médias, se situant encore ailleurs. La liberté de la presse ne peut s’en porter que mieux, face au risque de concevoir uniquement des médias résumés aux rôles de relayeurs, plus ou moins critiques, de communiqués de plus en plus conçus sur le mode classique des dépêches d’agences de presse, elles-mêmes conçues pour être répercutées sans filtrage.

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