La Clau
La presse quotidienne régionale française a-t-elle un avenir ?

Paradoxe en ce début de siècle en France, la presse quotidienne régionale, la célèbre PQR, semblait s’en sortir, choyée par les investisseurs. Pas moins de 20 reprises en main économiques ont eu lieu avant 2009, malgré une chute du lectorat de l’ordre de 10% au moins, soit 700.000 lecteurs. La décennie 2000 aura été celle de la compensation de la perte de recettes, consécutive à la désaffection des lecteurs, par une forte augmentation des revenus publicitaires, en hausse de 36% sur 10 ans. Malgré la crise du secteur, la presse régionale présente une rentabilité bien supérieure aux quotidiens nationaux. En effet, jusqu’à présent, son taux de pénétration et la variété de son lectorat en faisaient encore le meilleur support pour les annonceurs. Pourtant, la crise est là, et, attaquée de toute part, notamment par les nouveaux médias et l’Internet, la PQR restructure encore, dans le sens de la concentration et de l’exclusivité sur un même territoire : on dénombrait 175 quotidiens français en 1946, il en reste 61 en 2011. Plombés par leur baisse d’audience, les journaux régionaux se font plus fins, les pubs plus grosses, et le pluralisme, base nécessaire pour la démocratie, a migré définitivement sur la toile, vers d’autres supports plus libres, alors que les versions Internet des mêmes journaux « papier » restent négligés, voire négligeables. Une simple comparaison entre une édition de 1991 et une autre de 2011 d’un numéro du quotidien L’indépendant, exclusif sur le territoire des Pyrénées-Orientales, membre du groupe Midi Libre de Montpellier, lui-même propriété du groupe Sud-Ouest à Bordeaux, montre l’évidence. Les contenus ont fondu de plus de 50%… et un nouveau site Internet lisible tarde à arriver. En comparaison, l’exemple de Girona est éloquent, car deux quotidiens majeurs y cohabitent, El Diari de Girona et El Punt, jouissant chacun d’un volume triple comparé à L’indépendant, et une réelle version web.

La PQR française des mêmes maux depuis 30 ans… et ne réagit pas

Portée par une illusion de son importance et surtout de sa pérennité, la presse quotidienne régionale semble ne pas voir arriver la tuile, alors que ses défauts sont les mêmes depuis au moins 30 ans. Elle préfère, comme lors des Etats Généraux de la presse écrite, lancés fin 2008, conserver un système institutionnalisé, à l’image d’un syndicat de moines copistes qui aurait fait un procès à Gutenberg. Souvent coincée dans des considérations héritées de son origine, soumise à la dictature des journalistes professionnels d’un côté, rangés derrière la carte de presse, unique au monde dans les « droits » qu’elle réserve, et de puissants syndicats, dépendante de ses annonceurs institutionnels et de ses investisseurs, la PQR française n’a pas su anticiper les évolutions du monde qui l’entoure, notamment technologiques, pour se les approprier. Plus grave encore, cachés derrière un statut « régional », ses titres ont abandonné définitivement le fait d’être un tout : ils n’opinent plus sur l’actualité du monde, de l’Europe ou de la France, pour se concentrer sur le sacro-saint « local », conçu en France comme l’antithèse de l’universel et, au fond, du sérieux. Pourtant, il existe une actualité du monde, de l’Europe, de l’Espagne ou même de la France, vue de Girona, à travers ses deux quotidiens. Mais il n’y en a plus depuis Perpignan. Le Perpignan médiatique n’a plus d’opinion sur son environnement, et n’est donc plus un centre. Le rêve de la fin de L’indépendant pour la mise en place de Midi Libre, dans une satellisation définitive de Perpignan à Montpellier, est plus que d’actualité, même si Montpellier n’est même plus un centre médiatique et d’opinion. Dans un contexte où la crise économique s’ajoute à une crise structurelle, le système de la PQR, même protégé par les institutions et les politiques, pourrait exploser sous les coups des nouvelles technologies, pour peu que l’Internet trouve son modèle économique.

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