La Clau
Christine Philipp à Sigean : presque tout avec presque rien

Des nuances de vert, de jaune et de noir se présentent verticalement. Quelques instants, puis notre cerveau recompose l’image de manière à l’associer à du connu : il s’agit d’un grand rideau, probablement d’un épais tissu, dont le cadrage serré interdit toute localisation : théâtre (le rideau semble de l’épaisseur requise, mais la couleur…), maison bourgeoise, paravent ? On alterne entre la pente naturelle de l’esprit à mettre un nom sur les choses, qui date dit-on d’avant le déluge, et celle du coeur à prendre le temps de regarder une simple peinture.

Les toiles de Christine Philipp exposées jusqu’au 24 mai au LAC, à Sigean, dans ce si proche Languedoc, sont comme celle-ci (Curtain, 2009) : elles présentent une architecture dépeuplée, axée sur des détails où d’improbables cadrages font immédiatement référence au cinéma et plus encore à la photographie. On pense par exemple à Paul Strand et ses abstractions basées sur des détails et des ombres. Les sujets peuvent être les inaperçus du quotidien d’une grande ville, gare, terminal d’aéroport ou arrêt de bus, autant d’éléments fonctionnels qui deviennent des scènes abstraites désertées par l’humain. Cet attrait pour la vie et l’architecture urbaines, en rappel d’une enfance à Berlin, produit une densité tout en déphasage avec les images produites, qui montre l’intérêt porté par l’artiste aux sujets comme la solitude et l’anonymat.

Etrange lumière et reflets photographiques

Si, un temps, la photographie a couru après la peinture pour s’imposer, elle a rapidement acquis son autonomie. C’est de cette particularité dont se sert Christine Philipp : déformations dues à une optique particulière d’un appareil photo, par exemple. Mais l’artiste impose la matérialité et la simplification de la peinture. Car ce n’est pas de photos peintes qu’il s’agit ici, mais bien de peintures autonomes : la touche est large, les couleurs acidifiées, comme dans les portraits de Karen Klimnick. Par dessus tout, c’est l’étrange lumière, toujours artificielle et/ou filtrée, qui saisit dans ce monde à part. « Cela ne m’intéresse pas de faire ce que je sais déjà faire. Ce qui m’intéresse, c’est ce pour quoi je suis démunie », dit-elle timidement.

Cette exposition, réalisée dans l’un, sinon le meilleur lieux pour l’art contemporain dans un rayon de 100km autour de Perpignan, s’est concrétisée grâce à la rencontre entre Christine Philipp et Piet Moget, qui dirige le LAC (Lieu d’Art Contemporain) de Sigean depuis 1991, actuellement avec sa fille Layla. Cet artiste néerlandais, redoutable collectionneur connu dans l’Europe entière, n’a pas souhaité laisser passer cette jeune artiste allemande, qui vit à Bruxelles. Du coup, tout le monde peut désormais la connaître, en découvrant son œuvre dans une ancienne cave à vin.

Christine Philipp, jusqu’au 24 Mai 2009, au LAC, Hameau du Lac, Sigean, département de l’Aude.
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 14h à 18h.
http://www.lac.narbonne.com

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