La Clau
Saccage de produits espagnols à Perpignan : une Europe en panne

La dernière mobilisation des agriculteurs du Roussillon fait des éclats. Cette action, convoquée jeudi 17 juillet par la Fédération Départementale des Exploitants Agricoles (FDSEA) et les Jeunes Agriculteurs des Pyrénées-Orientales, s’est traduite par l’interception de deux camions de nectarines en provenance du territoire espagnol. Le slogan de cette action, menée au péage Perpignan Sud de l’autoroute A9, était « Pour pouvoir manger Français, laissez-nous produire en France ». Mais, chose rare, la préfecture des Pyrénées-Orientales a condamné cette mobilisation. Quelques heures plus tard, le préfet, René Bidal, estimait comprendre la revendication agricole du Roussillon et reconnaissait la passe difficile vécue par « certains » producteurs de pêches nectarines « compte tenu de la baisse importante des prix ». Il entendait leur « exaspération », mais condamnait les « manquements à la loi » lors des « exactions », car le premier camion pris à partie était en règle, tandis que la marchandise du second étaient « non conforme en raison d’un calibrage incorrect ». Le premier convoi appartenait à la société Agromarket, établie dans la région sud-catalane de Lleida. Huit palettes de fruits à noyaux, soit 4 tonnes, ont été déversées sur la chaussée.

Un syndicat espagnol critique la gendarmerie

L’action paysanne du 17 juillet ferait l’objet de poursuites s’il existait un cadre judiciaire européen supérieur remplaçant les dispositifs français et espagnols, disparates. De l’autre côté d’une frontière défunte, qu’une minorité du monde agricole se plaît à ressusciter, les réactions sont sans appel. A la même date, l’Union des Petits Agriculteurs espagnols (UPA) jugeait « intolérable » ce qu’une bonne partie de la presse espagnole décrivait comme une « attaque française ». « Les agriculteurs français nous accusent de ce dont nous sommes les principales victimes : les prix bas de nos produits ». Les agriculteurs espagnols soulignaient que la grande distribution, particulièrement française, décide, au final, du prix des fruits espagnols. Au passage, le secrétaire général de l’UPA, Lorenzo Ramos, dénonçait le fait que la campagne contre les produits espagnols soit « tolérée par la gendarmerie ».

« Les paysans français ne comprennent pas le marché »

Humiliant les effrontés, l’Association Entrepreneuriale des Fruits de Catalogne (Afrucat), a réagi le même 17 juillet. Selon son président, Manel Simon, les vandalismes commis sont imputables à un « manque de vision » des agriculteurs, énervés faute de « comprendre comment fonctionne le marché ». Selon lui, la crise de la pêche, conjoncturelle et générale, ne se limite pas à la France. Pour sa part, la Fédération des Coopératives Agraires de Catalogne (FCAC) a transmis une « condamnation officielle et contondante » au gouvernement français. Cette dernière information n’a pas filtré en France, preuve que les vannes de la connaissance sont fermées et que la communion transfrontalière est illusoire. Ce fait souligne aussi la gêne hexagonale envers la réalité européenne, l’Etat s’économisant toute pédagogie auprès de sa paysannerie. Dans ce dossier où l’Europe se fait attendre tandis que les territoires nationaux sont dépassés, faute d’explications auprès des professionnels, l’esprit français abonde souvent vers une harmonisation des coûts de production européens. Souvent, l’inconscient national invite à aligner l’étranger sur la France, non à réduire les coûts français pour atteindre une compétitivité notamment comparable à celle de l’Espagne.

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