La Clau
La SNCF et l’indépendantisme catalan retardent le TGV pour Barcelone

Les obscures raisons du retard de lancement de la Ligne à Grande Vitesse Perpignan-Barcelone trouvent une réponse dans un rapport cinglant publié le 15 août par la Chambre de Commerce de Barcelone. Imputés à un improbable manque d’adaptation des systèmes de sécurité ERTMS à l’échelle franco-espagnole ou à la difficulté de convenir d’une date rassemblant François Hollande et le premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, pour couper le ruban, les motifs semblent autres. Dans ce document, le puissant organisme consulaire rappelle que les TGV de la SNCF ne sont toujours pas homologués en Espagne malgré des essais concluants effectués en février 2012. A l’inverse, dès 2011, la circulation en France des AVE de Renfe a justifié une expérimentation poussée, jusqu’à Mulhouse, également sans homologation consécutive. Par défaut, depuis son ouverture le 8 janvier dernier, le trajet Perpignan-Barcelone, simple maillon catalan du futur grand axe Paris-Madrid, impose une correspondance TGV-AVE en gare de Vilafant-Figueres, rallongeant le parcours de 20 minutes.

La SNCF convoiterait Madrid, qu’elle priverait de Paris

Pour la Chambre de Commerce de Barcelone, le peu de hâte manifesté par la France et l’Espagne envers l’homologation manquante laisse prévoir que la mise en service du Barcelone-Paris peut intervenir « autant cet automne » qu’être « retardée jusqu’à 2014 ». Mais la « raison souterraine » du report se loge dans les hautes sphères des Etats, en désaccord sur le niveau d’ouverture de leurs marchés nationaux respectifs, dans le cadre de la future libéralisation du trafic ferroviaire européen. En effet, le réseau français priverait la Renfe d’un accès à Paris, par une limitation à Lyon, Toulouse et Marseille. En revanche, la SNCF souhaiterait opérer entre Barcelone et Madrid, sur la Ligne à Grande Vitesse, ouverte en 2008, où la Renfe effectue son principal chiffre d’affaires dans le domaine de la grande vitesse. Ces affirmations, rendues officielles par le rapport publié, font suite à d’insistantes évocations similaires dans la presse espagnole depuis janvier 2013.

Lâcher l’Espagne pour épouser la France

Au niveau tangible, l’entrée de la société Geodis, filiale de la SNCF, dans le capital de la société de transport ferroviaire catalane Comsa Rail, en avril 2013, à Barcelone, éclaire ce dossier enrobé dans la politique. Car l’annonce du président catalan, Artur Mas, souhaitant, en juin dernier, voir la SNCF remplacer la Renfe sur les trains de proximité barcelonais dès 2016, constitue un précédent. Le chef de l’exécutif de la Generalitat de Catalogne a rencontré à cet effet le président de la SNCF, Guillaume Pepy, lors d’un rendez-vous rédhibitoire pour l’Etat espagnol. En filigrane, la volonté d’indépendance politique développée par M. Mas impose, au regard des dimensions de la Catalogne, un partenariat européen, suite à l’émergence d’une éventuelle République de Catalogne détachée de l’ensemble espagnol. L’évidence géographique indique la France, au delà de l’anecdotique mais saisissante maîtrise de la langue française du président. Mais la Chambre de Commerce de Barcelone fournit d’autres éléments aptes à repousser Madrid et Paris. Elle précise : « en laissant de côté les marchandises, les seuls nouveaux services ferroviaires (…) à hautes prestations pour voyageurs (…) constitueraient un grand potentiel d’ouverture vers de nouvelles opportunités économiques entre le Sud de la France et la Catalogne, jusqu’à l’élargissement de l’aire d’influence de l’Aéroport de Barcelone ». Le dossier TGV, sujet à une longue attente en Roussillon, est ainsi soumis à une friction à trois, dans une imbrication diplomatique de haute tenue.

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