La Clau
Murat chante Ferré et nous sert Baudelaire : total régal !

Après les albums de 1957 et 1967, déjà consacrés à l’œuvre de Baudelaire, ce projet resta dans les tiroirs. Depuis quelques années, Matthieu Ferré, le fils de Léo, se charge, avec passion et brio, à travers son label « La Mémoire et la Mer », de mettre en valeur l’énorme travail artistique de son père. Selon Matthieu, Jean-Louis Murat est un des rares artistes à pouvoir porter un tel disque, de par sa démarche véritablement poétique et sa personnalité irradiante, hors des règles du business. Dans ce choix de poèmes des « Fleurs du Mal », pas d’Albatros ni de Charogne, stars du bouquin. On y retrouve douze monuments, plus méconnus, mêlant beauté et laideur, parfums enivrants et sulfureux, l’envie, l’horreur, et surtout l’amour de la littérature. À déconseiller pour mettre l’ambiance dans un mariage, mais plutôt à déguster avec un Collioure rouge de La Tour Vieille un soir de vent de llevant. Ambiance jazzy très sobre et aérienne dans ce disque grâce au retour du pianiste des débuts, Denis Clavaizolle. Murat a choisi de laisser ses guitares et sa culture rock de côté et s’applique à bien poser sa voix pour libérer le texte. La chanteuse du groupe Cocoon, Morgane Imbeaud, apporte une touche pop fraîche et sensuelle.

La poésie classique, mieux que le Slam à la mode ?

Murat, l’Auvergnat, réussit incontestablement à respecter le travail initial de Léo Ferré et à s’approprier totalement le projet. Son côté éternel ronchon et ses interventions souvent calamiteuses dans les médias ne doivent pas occulter son talent unique et prolifique et son travail sur lequel il faudra bien se pencher un jour. Chapeau l’artiste et merci de réinjecter dans la culture populaire, en France, un peu de l’esprit de liberté poétique, celui qui a amené des écrivains comme Henri Miller ou Jim Morrison à venir vivre à Paris, à Rimbaud à en partir, à Hemingway de lui préférer l’Espagne ou à Jim Harrison de célébrer Machado, au cimetière de Collioure. La poésie n’est pas seulement le souvenir d’une nuit terrible de révision, la veille d’un BAC, ni issue exclusivement des manuels scolaires type Lagarde et Michard pour les lycéens français ! Jadis, Brassens, Ferré, Jean Ferrat, Paco Ibáñez permettaient à chacun, à travers leurs chansons, de connaître quelques vers de grands auteurs et d’apprécier la beauté du verbe. Ce que nous entendons aujourd’hui sur les radios nous invite à penser que le niveau de vocabulaire de certains artistes est plus proche de celui du Club Dorothée ou de Dragon Ball Z que de Charles Baudelaire. Bravo Murat !

Références album : Jean-Louis Murat, « Charles et Léo » (CD avec DVD inclus) – V2 – Octobre 2007.

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