La Clau
Festival de Cannes : 1000 photographes pour une seule photo

Le tralala du festival de Cannes a repris, mercredi 14 mai, dans la tradition attendue du glamour, des sourires et des montées de marches du Palais des festivals. Cannes redevient « capitale du monde » d‘après le 20h de France 2, ce même jour. Sur la photo ici présente, croquée jeudi 15, apparaissent notamment Mark Osborne, Dustin Hoffman et Angelina Jolie. Si cette dernière est enceinte de jumeaux, ce qui intéresse même ceux qui prétendent ne pas s’attacher à l’insignifiant, au autre intérêt du cliché réside dans la jungle de photographes, en arrière plan ! Armés de téléobjectifs, visiblement tous de la même marque, ces messieurs (où sont les femmes ?) visent la même scène, de la même manière, au même moment… Justement, à l’occasion de la présentation d’un autre festival, Visa Pour l’Image 2008, mardi 13 à Paris, un des organisateurs du point-presse, Jean Lelièvre, lançait « Les photojournalistes sont aujourd’hui souvent embarqués : on les parque derrière une corde et au final, leurs photos sont toutes prises sous le même angle« , avant de citer en exemple la campagne présidentielle française pour que tout le monde comprenne. Les médias papier, ou télé, seraient ainsi placés de plus en plus fréquemment face aux limites imposées par la réalité : les photos spontanées, fruit d’un métier libre, seraient en réalité des photos officielles, sans originalité. Les photographes seraient des machines améliorées, appuyant sur le bouton au moment où l’ordre, appelé « autorisation », leur serait donné. L’explosion médiatique, par la multiplication des titres, est évidemment à la source de cette jungle humaine, et la nature mondiale de l’événement cannois, attirant la presse des cinq continents, est un must du phénomène. Mais, au fond, y’a-t-il une vraie différence entre ce groupe de photographes et un autocar de touristes, Japonais à Paris, ou Parisiens à Collioure, débarqués devant un monument photographié un milliard de fois, le mitraillant avec leur appareil numérique à 10 millions de pixels acheté 59 euros chez Auchan ? A croire que les grands médias s’ennuient, ou, qu’au nom d’une liberté de la presse hypertrophiée, encore par ennui, chacun souhaite être là, quitte à n’exprimer aucune originalité. Pas idiot non plus, pour couvrir les événements hautement protocolaires ou les situations à risques, le métier a inventé les « press pools », réunissant un minimum de personnel et permettant à tous les médias souscripteurs du regroupement de circonstance, le fameux « pool », de bénéficier d’images ou de son, ou les deux, de manière commune : sur les grands conflits du monde, ou lors d’événements politiques ou artistiques, ce système d’économie de moyens évite le ridicule de la horde de photographes badgés, assermentés, et terriblement interchangeables. Même si les reporters présents au Liban ou en Afghanistan ont peu à voir avec les paparazzis, un même métier les rassemble… Mardi, Jean-François Leroy, le patron de Visa pour l’Image, déclarait, en référence à sa nouvelle édition : « 90% des photos que j’ai reçues cette année sont aseptisées : elles n’expriment rien« . Tu m’étonnes !

Martin Casals

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