La Clau
Santogold, le retour assumé aux années 1980

Si certains déçus ont parfois prétendu que les années 1980 musicales n’ont jamais existé au-delà de l’exception Prince, d’autres excellent dans l’art de recycler ce pseudo-néant. Il est à peu près certain que la décennie en question fascine davantage ceux qui, trop jeunes, ne l’ont pas vécue pleinement. Exemple ? Santogold, le duo américain formé par Santi White (Santogold) et John Hill entre Philadelphie et Brooklyn, révélé en moins d’un an en reprenant à son compte les ingrédients du New York 1978-1985 : attitudes, frime, musique clinquante, machines sur-employées, grosses basses et fraîcheur calculée. Le résultat interpelle, à la croisée au rock, de l’électro, du dub, du reggae, et même du punk, avec un premier album annoncé comme l’un des opus de l’année, produit par quelques stars de la scène électronique, comme Diplo, Switch, FreQ Nasty et Disco D. Maîtres du buzz mondial, les Santogold réactualisent donc les 80’s et les critiques pointent l’oreille vers ce groove qui détonne au milieu du flux de soupe déversés par les chaînes musicales de la TNT. Avec un single au titre francisant, « L.E.S. Artistes », le duo tente de chatouiller les zones intello-sélect des cerveaux mondiaux… Mais la mise en scène est-elle suffisante ?

« Internet est une grosse télévision »

Avant la sortie de l’album, des extraits circulaient déjà en téléchargement illégal et en écoute légale via le MySpace du groupe, et en visionnage tout aussi réglo sur Youtube… S’il correspond au phénomène des « fuites d’information organisées » par les ministères, ce dispositif ne se suffit pas à lui-même : le public décide, pas la technique. Et le bouche-à-oreille sur la toile a été rapide grâce au clip-phare du groupe, au budget visible limité à la location d’un cheval, de quelques acteurs proches et d’une pastèque. Ouf ! Le procédé démontre que l’économie de moyens, issue de l’économie tout court, est encore une contrainte salvatrice en matière de créativité. Le produit ne tutoie pas le génie mais reste digne par les temps courants. En tous cas, il n’ennuie pas. Et si Internet rappelle la télévision, dans son pouvoir de vie ou de mort sur les artistes, la toile n’est justement pas pour autant un gage de qualité, précisément parce qu’elle est une grosse télé qui a révélé la chanteuse Lorie en 2000 ! Au chapitre des concerts, l’agenda de Santogold semble limité à l’Europe du Nord, via Paris, Berlin, Londres, et une simple escapade castillane à Salamanca. Pas une seule date à Barcelone, Marseille ou Toulouse. L’Europe du Sud n’est pas une priorité ? Patience !

Références album : Santogold – « Santogold’ – Lookout – mai 2008

Jean-François Colomer

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