La Clau
Les Américains MGMT maîtrisent l’art du contre-pied

Dimanche 16 mai 2010, 98 000 personnes fêtent au Camp Nou de Barcelone le nouveau titre du FC Barcelone dans le cadre de la ligue espagnole. Après « El cant del Barça », les supporters blaugrana explosent de joie et chantent en cœur « Kids », l’un des plus grands tubes de ces deux dernières années. Rien d’étonnant à cela, le morceau de MGMT (abréviation de « Management ») est repris à toutes les sauces depuis deux ans au point de faire de l’ombre au « I will survive » de Gloria Gaynor. Pire, « Kids » est devenu le tube des meetings de l’UMP l’année dernière. Le parti de la majorité présidentielle française a d’ailleurs dû verser 30 000 euros de dommages et intérêts au groupe. Personne n’avait pensé à demander une autorisation de diffusion à MGMT.

Ils sortent un album sans singles

Avec « Congratulations », tout ça ne risque plus d’arriver. Si le Barça remporte la Liga l’année prochaine, il ne pourra pas fêter son titre avec un morceau du nouvel album de MGMT. « Congratulations » est aux antipodes du premier album « Oracular Spectacular », l’usine à tube qui a propulsé le duo de Brooklyn en tête de tous les hits parades il y a deux ans. Ce nouveau disque est moins facile d’accès. Les deux américains de 27 ans, chefs de file de l’indie rock, ont prévenu leurs fans il y a quelques semaines : « Nous ne voulons pas de singles pour ce disque, il n’y aura pas de « Kids » ni de « Time to Pretend ». Nous voulons que l’album soit écouté dans son intégralité et que le public décide de lui-même quels morceaux s’en dégagent plutôt que de n’écouter que les titres joués à la radio ». C’est la maison de disque qui a du souci à se faire.

Aux antipodes de Lady gaga

Andrew Vanwyngarden, l’un des membres du groupe, a reconnu récemment qu’avec le succès fulgurant dont il a bénéficié, le groupe s’était retrouvé à la place de ceux-là même dont il se moquait sur son premier album. Ce disque, « c’est nous, essayant de faire face à la folie qui est notre lot depuis le démarrage de notre album », résumait-il à la mi-octobre 2009. Et pour qu’on leur enlève l’étiquette de « groupe à tubes », MGMT a choisi la difficulté. Le duo réclame une crédibilité artistique et musicale. «Nous n’avons rien à voir avec des gens comme Kanye West ou Lady Gaga. On n’est pas sur ce terrain, et ce disque est une manière d’expliquer d’où nous venons vraiment.»

Résultat : «Congratulations » est un album assez sombre, très influencé par le psychédélisme anglais de la fin des années 1960. Plus tournés vers le rock, les morceaux sont moins synthétiques. Ils accrochent moins l’oreille à la première écoute. C’est peut-être pour cela que ce disque déçoit les fans de la première heure, qui évoquent une œuvre sans frissons et bâclée, avec en prime une pochette horrible.

Il serait pourtant dommage de condamner si vite « Congratulations ». Certes, l’esthétique de la pochette, un dessin de surfeur, n’est pas très réussie. Pour le reste, c’est un album passionnant. Pour l’apprécier, il faut simplement oublier le premier album et éviter les comparaisons. Avec le premier morceau « It’s working », le groupe revisite les Beach Boys et nous embarque d’entrée dans un ouragan de pop mélodique et jouissive, qui emporte tout sur son passage.

Entre les Floyd et Bowie

Les morceaux s’enchaînent et on a du mal à définir le style MGMT, savoureux patchwork psychédélique aux multiples influences, entre les Pink Floyd, Brian Eno et David Bowie. Il faut remarquer l’étourdissant “Siberian Breaks” et ses 12’09 minutes au compteur pour se convaincre du génie artistique des deux enfants terribles de New York. On ne résiste pas non plus à la déflagration émotionnelle qui transpire à l’écoute de “Flash Delirium”. Mais c’est clair, on ne dansera pas sur « Congratulations ». On se laissera simplement emporter par les mélodies d’un groupe qui maîtrise à la perfection l’art du contre-pied.

MGMT « Congratulations », Sony. Sorti le 12 avril 2010.

Partager

Icona de pantalla completa