La Clau
La musique en mai 1968 ? Pas vraiment une révolution

En 1967, Paris lance une 2ème chaîne en couleur dont les programmes musicaux sont animés par l’éternel Guy Lux, et la génération « Salut les Copains », sur la radio Europe 1 que l’on ne capte pas en pays catalan, mène le bal avec Claude François ou Sheila et son populiste « Petite fille de français moyen », une des meilleures ventes de l’année. Sans s’en vanter, ces artistes adaptent les hits anglo-saxons et font vivre par procuration le rêve américain à la jeunesse. Les Beatles sont bien venus à Paris en 1962, mais en première partie de Sylvie Vartan, puis aux arènes de Barcelone en 1965, mais personne ne le saura à Perpignan. La France, qui discerne les hippies à travers les Doors, Pink Floyd ou Jimi Hendrix, comprend mal ces signaux d’une apparente modernité. Johnny Hallyday, l’espace d’un été, incarnera un personnage de synthèse américain avec son « San Francisco », mais c’est un autre titre du même disque qui cartonnera : « Que je t’aime » ! Les jeans d’importation ou vintage coûtent une fortune et ne sont pas encore symboles d’émancipation… Les surboums se font encore en pantalons tergal ou velours côtelé pour les garçons, jupe pour les filles. Brel a quitté la scène en 1966, et Brassens, depuis « Gare au gorille » censuré en 1958, est à part. Il sera consacré dans les années 70.

En 1968 la croissance française monte à 12% !

La chanson « Rive gauche » est celle des parents, des intellos ou des profs, pendant que la jeunesse se passionne pour la provocation dylanesque contenue dans « Les élucubrations » du chanteur Antoine, en 1966. Mais l’artiste est récupéré dès l’année suivante par la 1ère chaîne pour animer, avec Danièle Gilbert, le fameux « Midi Première ». On remarque de véritables personnalités musicales, comme Michel Polnareff et sa « Poupée qui fait non », ou Serge Gainsbourg le sulfureux, chantre de la révolution des mœurs, qui enregistre en 1968 les deux standards « Je t’aime moi non plus » et « 69, année érotique ». Les succès internationaux de l’été sont des slows : « Night in white satin » des Moody Blues sera le tube absolu de la drague. Le « Satisfaction » des Rolling Stones a déjà révélé des désirs inavouables en 1965, et la musique accompagne les débuts de la contraception, légale en France en 1967, et d’une certaine liberté sexuelle. Avec 12% de croissance annuelle et le plein emploi, une énergies à prix désiroire, on consomme et on souhaite bénéficier des technologies qui soulagent des tâches ménagères et qui divertissent. Le phénomène nouveau de l’argent de poche chez les ados en fait des consommateurs et le tourne-disque Teppaz, avec les fameux 45 tours à quatre chansons, dit « de luxe », sont les objets emblématiques d’une génération. Deux petits Français malins, partis aux Etats-Unis, comprennent le phénomène de la grande distribution et du concept « No parking no business » : en septembre 1968, ils ouvrent le premier supermarché Carrefour, en banlieue parisienne. Une nouvelle ère commence.

Références album : Sheila – Juste comme ça – Best of – 2006 – Warner Music.

Jean-François Colomer

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