La Clau
« Kurt Cobain : About a Son », une biographie prévisible ?

Kurt Cobain n’aimerait pas 2008-2009, où il reste en deuxième position juste après Elvis Presley en matière de ventes de disques et de merchandising. Le chanteur disparu à 27 ans, le 5 avril 1994, profite évidemment du syndrome de la mort subite, dont le préalable provocateur émousse la surprise. Mais ce film, coproduit par le journaliste américain Michael Azerrad, proche du gaucher blond et grunge, ne juge pas de la qualité du groupe. Alors, où sommes-nous avec ce « About a son » ? Michael Azerrad, déjà auteur du livre « Come as you are », consacré à Nirvana, détient une forme de légitimité par de longues heures d’interviews inédites réalisées au domicile de la star, l’hiver 1992-1993, le plus souvent la nuit, constituant la source biographique la plus fiable pour fixer les vérités sur l’artiste. La courte vie du chanteur est scannée, de l’intime au politique, de l’artistique à la célébrité, destructrice pour les plus faibles, désarmés face à la célébrité et l’envie d’être aimé via la machine rock. Etonnants par épisodes, ce documentaire révèle la pertinence de la démarche du jeune Kurt Cobain, aimé malgré son look un peu idiot, mais pourtant instruit et lucide, inventeur avec deux copains d’une musique accrocheuse et oxymore de rébellion mélancolique.

Kurt Cobain, un héros ridiculement banal ?

Kurt Cobain savait qu’il ne vivrait pas vieux. A-t-il choisi de se flinguer au même âge, 27 ans, que celui auquel Jimmy Hendrix a trouvé la mort ? Classiquement, mathématiquement, à l’issue d’un échec existentiel nourri d’artifices, drogues et faux-semblants, le héros n’aurait pas supporté le vide, silencieusement greffé sur une enfance de classe ennuyeuse, et un divorce parental, qu’il interprétait tout à la fois comme ordinaire et fondateur d’un souhait de marginalité, une quête de différence qui le poussera, lycéen, à se faire passer pour homosexuel dans le seul but de surprendre. Cette affirmation d’identité, Cobain, plongé dans Nirvana à 20 ans, la jugule dans les interviews, comme il tient, extrêmement mature et profondément immature, les clefs de son être et de son malaise, Au fait, pourquoi ajouter de l’image à un document audio ? Le business ne résume pas tout, l’habillage en images du réalisateur AJ Schnack, qui parcourt l’Etat de Washington et la ville sombre de Seattle, sur les pas de cet adolescent moyen qui en a marqué des millions d’autres à travers le monde, présente l’intérêt d’informer sur le contexte, sans dramatisation aucune ni sentiments téléphonés, la fin du périple suffisant à l’intensité. Il en ressort un personnage romantique et prévisible, à la provocation contenue, pleinement conforme, au fond, aux contours de la révolte possible aux USA, c’est-à-dire devenant, au milieu du gué, terriblement commerciale, avant que ne survienne le pire pour les fans, la libération pour la victime : « Penses-tu que Nirvana existera en l’an 2000 ?» « Je n’en ai pas envie, mais c’est possible».

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