La Clau
Keith Richards est-il autre chose qu’une caricature ?

Le journaliste britannique James Fox est l’auteur d’une série d’entretiens-interviews réalisée en compagnie du lead guitar des Rolling Stones, que la longévité, malgré les dangers du parcours, a transformé en demi-dieu. Héroïne, musique créative puis musique de stades, hauts et creux de vagues, tout y passe, dans un ouvrage singulièrement intitulé « Life ». Pour un artiste que l’on aurait bien pu imaginer perdre la vie dans le tumulte qui a évanoui les Morrison, Joplin, Jones, Hendrix, Cobain et Hutchence, la vie est une vraie référence, à rappeler en toute occasion. Mais au-delà du banal témoignage d’une époque exceptionnelle, enterrée par le MP3, l’artiste aux joues burinées par les interdits a tout de même des choses à dire, ou plutôt à analyser. Il raconte comme le rôle de star ne lui a jamais convenu, notamment dans sa partie « bla-bla » obligatoire avec le protocole, la presse, les gens fanatisée. Il en parle d’ailleurs au passé : « Il y avait tout un aspect qui me déplaisait ». Et avoue « La dope me permettait de me comporter plus facilement en public (…) je réagissais mieux quand j’étais sous héro ». Richards, né il y aura bientôt 67 ans, précise au sujet de son comparse né 5 mois plus tôt que lui « Mick (Jagger) lui, a choisi la flatterie », comportement qu’il juge « très similaire à la dope puisque ça te permet de fuir la réalité. » La drogue tient une place majeure dans cet ouvrage de près de 700 pages, qui n’en reste pas moins musical, par l’inclusion de patients descriptifs de chaque album enregistré par les Stones.

Chez les people, l’intraveineuse n’est pas glamour

La combinaison entre une époque, un pays, et un style de vie, est forcément particulière, tout comme elle est imitée, plus tard, ailleurs, et dans un comportement en caricature. Tout aussi nombreux qu’aient été les singes de Richards, non, la version originale n’est pas ridicule. Indépendamment de l’insignifiance des Rolling Stones, musicalement parlant, depuis 30 ans, l’évocation de la personnalité du guitariste, parfois chanteur, appartient cependant à la catégorie people, ni plus ni moins. Mais il est tentant de chercher à apprendre que la future star, dans les premières années 1960, a découvert la sexualité par une fellation dans un taxi, en route pour le Maroc, tout en s’inventant une fuite en avant par la musique et le stupre, assortie d’envols intraveineux dans les toilettes. La chronologie du livre, qui débute en 1975 puis effectue un retour au début de l’aventure du héros, aborde toutes les décennies jusqu’au nouveau siècle, avec une précision parfois cinématographique, en fait ethnographique. Les observateurs français de l’escroquerie artistique des émissions télévisées, des pathétiques boys band de la fin du XXe siècle ou des galas des Enfoirés, auront du grain à moudre. Car le rapport absent entre Richards et Jagger, qui ne se rencontrent que sur scène et en studio, rend la sauce amère. Mais les anecdotes, dans ce puzzle de vie, prennent le dessus sur la musique conçue comme ressource économique. Richards le bluesman, l’enfant de la seconde guerre mondiale, le fils d’ouvriers, pas du tout amnésique envers ses origines, existe encore. Richards, le musicien des Rollings Stones, endosse alors un second rôle.

« Life », Keith Richards, entretiens James Fox. Robert Laffont, octobre 2010.

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