La Clau
Gotan 3.0, un album qui ne surprend personne

Il y a 10 ans, le monde global a redécouvert le tango par le trio franco-helvéto-argentin, c’est à dire européen en réalité, de Philippe Cohen Solal, Christoph H. Müller et Eduardo Makaroff. Le tango, cette pensée triste qui se danse, prend alors sa revanche, comme le titre de ce premier album de Gotan Project l’indique, “La revancha del tango”.

C’est pourtant une version éloignée du tango traditionnel que propose à l’époque le trio, avec un mélange d’electro, de jazz et de musique argentine. Le groupe joue à fond l’ambiguïté. Quand leurs admirateurs voient en lui le meilleur ambassadeur d’Argentine, et le créateurs d’un nouveau style musical, ses détracteurs estiment que le Gotan n’a rien fait d’autre que de s’engouffrer dans une vague lounge, qui mélange electro et musique du monde.

Malgré les polémiques, le succès est immédiat. Des millions de personnes découvrent le tango, ou du moins une certaine idée du tango, et 2 millions d’exemplaires sont vendus.

A l’époque, pourtant, à Buenos Aires, personne ne connaît le trio. On ne trouve leur album que dans des magasins spécialisés de musique tenus par… des Francais ! Ce manque de notoriété dans le pays qu’il est censé incarner ne perturbe pas le trio, et surtout ne freine pas les ventes de “Revancha del Tango”. Gotan Project est devenu l’un des meilleurs representants de l’Argentine, et c’est bien là l’essentiel. Dans l’imaginaire collectif, des Francais notamment, l’Argentine, c’est Maradona, Evita Perón, et désormais Gotan Project.

Avec Gotan project, on frôle parfois le cliché

10 ans après, le groupe revient sur le devant de la scène avec un nouvel album, “Tango 3.0”, qui continue d’explorer la rencontre de l’électro et du tango. Le trio est fidèle à son style, dans cet album où l’on retrouve rythmes lancinants et voix nostalgiques de Buenos Aires. “Tango 3.0” est un patchwork efficace, encré dans l’actualité argentine et mondiale, mais un peu « vu d’ailleurs ». On passe du foot (avec les extraits de commentaires de match de foot à la radio) à la crise. L’album fait le pont entre le Buenos Aires du XIXe siècle et celui de 2010.

Les fans de la première heure ne seront pas vraiment perdus avec “Tango 3.0”. Le groupe ne renie rien de son identité, un peu marketée, diront les mauvaises langues, et n’a pas changé d’un iota sa musique, car on ne change pas une formule qui gagne. Conséquence logique, l’album ne surprend personne. Certes, il y a cette fois-ci davantage de cuivres et de cordes, avec des influences cinématographiques (Michel Legrand, Ennio Morricone), mais on reste sur un sentier musical très balisé.

Le Gotan convoque d’ailleurs les grands personnages de l’histoire argentine, Eva Perón, Che Guevarra… on frôle parfois le cliché, mais le groupe l’assume. Philippe Cohen Solal indiquait récemment dans une interview pour le Journal du Dimanche “Nous nous sommes fait la réflexion du risque de tomber dans le cliché. Mais, au final, ces paroles trouvent toujours un sens. Le discours d’Eva Perón évoquant le capitalisme international faisait écho à la globalisation et à la crise de 2001 en Argentine, dont il est devenu la bande son! Nous avions utilisé Che Guevara parlant d’un monde meilleur au moment de la guerre en Iraq. Cette fois-ci, la voix de Julio Cortázar est un clin d’œil, car nous avons la chance de travailler dans le même immeuble que lui à Paris.”

Comme l’indique la maison de disque de Gotan Project, “Si vous avez aimé les précédents albums, vous aimerez forcément celui-ci”. On confirme. Pour les amateurs, le groupe sera au festival de Caproig, à Calella de Palafrugell, le 16 juillet, puis à à Sète, le 1er août 2010 (avec le DJ perpignanais Raph Dumas et son groupe, The Primaveras). Gotan Project devrait moins vendre d’albums qu’au début des années 2000, car le mp3 est passé par là, mais le groupe se rattrape sur scène, avec une centaine de concerts cette année.

Gotan Projet, “Tango 3.0”. Barclay, avril 2010.

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