Bernard Guetta commente l’actualité du monde sur la radio de service public France Inter, tandis que David, son frère, le parcourt jusqu’à cinq fois par semaine. A 43 ans, le DJ parisien porte toujours des jeans taille basse, et continue de faire danser des millions de personnes qui pourraient être ses enfants. Mais il ne s’en lasse pas, surtout depuis que sa musique rapporte un maximum.
Sa mère était professeur de philosophie, son père était sociologue. Lorsqu’il a 12 ans, David leur explique qu’il veut devenir DJ, ils ne comprennent pas, car, à l’époque, autour de 1980, on ne gagne pas sa vie en étant Disc Jokey, ce n’est même pas un métier. Dans les boîtes de nuit, on ne les voit pas. Au Palace par exemple, le club parisien branché, le DJ est dans une cave et ne voit que les pieds des danseurs à travers une petit grille.
Le DJ sort de la cave et devient quelqu’un
Malgré les doutes de son entourage, David Guetta s’accroche, s’achète des vinyles et s’amuse à mélanger les morceaux dans sa chambre, pendant des heures, du temps des prémices du scratch. Il finit par décrocher une place de DJ à Paris et c’est au Broad, un club gay, qu’il commence à mixer. Ce sont les débuts de la musique électronique, et David Guetta, avec Laurent Garnier notamment, deviennent rapidement les DJ incontournables de ce courant musical. C’est d’ailleurs avec cette musique que l’ancien “disquaire”, devenu “Disc Jokey”, devient un “DJ” et acquiert un statut, à la fois social et artistique. Peu à peu, les discothèques communiquent sur le nom de leurs DJs.
La carrière de David Guetta prend définitivement son envol dans les années 1990, quand le bonhomme, avec sa femme Cathy, rencontrée aux Bains Douches, autre lieu parisien, reprend la direction de plusieurs boîtes parisiennes. Peu à peu, il devient davantage directeur de ces lieux nocturnes que DJ. Mais c’est face à ses platines Technics qu’il reste le meilleur. Les fans de techno le mettent au même niveau que Laurent Garnier. David Guetta est alors un DJ exigeant et pointu. Il ne fait pas de concessions et mixe pour un public averti.
De la musique pointue au mainstream
Pourtant, en 2002, Guetta prend un tournant radical, en abandonnant toutes les boîtes dont il est actionnaire pour se lancer comme producteur. Il veut désormais composer sa musique, mais surtout gagner de l’argent. A l’inverse d’un Laurent Garnier qui, avec l’âge, est allé vers des productions ambitieuses et des projets avant-gardistes, David Guetta embrasse le commercial.
Avec son premier album, « Just à little more love », il séduit peu à peu le monde entier, mais déçoit les amateurs de musiques électroniques. Cet album mélange house et R’n’B, en tombant dans la facilité. Le succès est au rendez-vous, l’artiste commence à tourner dans le monde entier, et monte la soirée « Fuck me I’m famous », qui s’exporte à Ibiza, Cannes, et un peu partout ailleurs.
Recette simple : des voix chaudes de R’n’B
Depuis, Guetta exploite le filon, avec des.morceaux samplés, une voix chaude venant du R’n’B, et un rythme répétitif. La recette est efficace, et, tous les étés, les boîtes de nuit diffusent ses titres en boucle, car un morceau de l’artiste garantit une piste où tout le monde danse. Quand arrivent les beaux jours, le DJ appelle une star, qui pose sa voix. Ainsi, depuis 2009, on a attendu, avec lui, les Black eyed Peas, avant que cet été soit celui de Kelly Rowland pour un nouveau tube de Guetta.
Renoncer à soi pour réussir dans le monde global
Le DJ pointu des clubs électro d’il y a 20 ans est devenu le Français plus gros vendeur de disques dans le monde, avec 7 millions d’exemplaires de « One Love » écoulés depuis 2009. Cette année, il a été élu meilleur DJ au monde par le magazine DJ Mag. Et il est partout, cet été : Ibiza, Corse, à Malaga ou Londres. Mais il ne sera jamais invité au Sónar de Barcelone, le festival de référence de la musique electro, et cela fait longtemps que l’on ne le voit plus au Rex Club, le club parisien de référence de la techno. Car David Guetta est l’un des Français les plus connus parmi les jeunes du monde global, mais après avoir renoncé à une partie de son talent et de sa personnalité.
David Guetta, “One Love”, 2009.