La Clau
Céret se rappelle Pierre Brune, père de son Musée

L’organisation « bon enfant » d’une exposition pleinement consacrée à Pierre Brune à Céret est un événement dans la torpeur hivernale, tant, au fond, l’existence même de l’artiste a fondu dans le public, depuis la rétrospective que lui consacrait le Musée de Céret en 1963. La capitale de la région du Vallespir a réuni en un temps record une petite vingtaine d’œuvres de son enfant d’adoption, Pierre Brune, peintre jonglant entre paysages, portraits et natures mortes, qui a largement croqué et peint Céret, dans une observation quasi-savante. Atterri au pays du cerisier au hasard d’un séjour de santé dans le sillage de la grande guerre, grand classique pour bon nombre d’artistes de la partie Nord de la France, Brune, né en 1887 à Paris, a déjà exposé en 1910 au salon parisien des Indépendants lorsqu’il vient en Catalogne, fort d’un élan artistique savamment échafaudé, signalé par des dessins rigoureux sur les bords. Il a déjà, en 1913, fait sa première exposition aux côtés de Raoul Dufy, et Georges Rouault, et c’est donc avec un capital, dans toutes ses acceptions, qu’il construit sa maison, le « Castellàs », le « grand château », précisément sur les ruines du château féodal cérétan, bientôt affrété en une « résidence » avant l’heure où le rejoignent en 1919 ses amis artistes, également baignés par la France. On retrouve ainsi à Céret les Krémègne, Soutine, Masson, Loutreuil, parfois déjà connus de Pierre Brune en tant que voisins d’atelier à Paris… Le « Castellàs » est détruit par un incendie en 1946, l’artiste le fait reconstruire, lui qui ne quitte Céret que pour y revenir, avant d’imaginer dès 1948 un Musée pour la ville.

Pierre Brune, marginalisé par l’histoire de l’Art ?

La communication de masse préfère asseoir les notoriétés écrasantes des Matisse, Picasso, Derain, et Chagall, exposé dès le 16 février au Musée de Céret, que soutenir Pierre Brune, qui a pourtant eu la « politesse » de mourir dans sa ville d’accueil, en 1956, après y avoir créé un musée, en 1950, en usant de son influence auprès du maire d’alors, Henri Guitard, pendant que l’autochtone commun maintenait une économie productive, par l’agriculture et à la petite industrie. Picasso et Matisse avait alors fait don de quelques œuvres pour démarrer le projet, Brune tenant le rôle de conservateur. L’artiste est donc choisi cette année par la médiathèque de Céret, ouvrage fonctionnel et moderne inauguré en 2007, suite à un appel lancé, sans budget, aux collectionneurs cérétans et perpignanais auxquels se joint la passionnée Catherine Deloncle, auteur de l’ouvrage « Des berges de la Seine aux collines de Céret », qui tente d’introduire Brune dans la sphère commune. Pierre Brune, tantôt cubiste, tantôt plus engoncé dans des constructions plus apparentes, géométriques, a réalisé d’innombrables paysages de villes de ce « grand Sud » cher à tant d’artistes du Nord, telles Albi, Montauban, Toulouse et même Lyon. Il a vécu sa gloire très tôt comme en témoigne sa présence, attestée en 1926, dans nombre de lieux, comme Baltimore, aux USA, ou le Musée d’art moderne de la Ville de Paris et les musées de Toulouse et Albi. La modeste exposition actuelle prendrait ainsi quelques allures de simple dû.

Exposition Pierre Brune, Médiathèque Ludovic Massé de Céret. Maison Companyó, 2, rue du Commerce. Du 9 au 22 janvier. Le 16 janvier à 18h, vernissage et conférence « Pierre Brune, des berges de la Seine aux collines de Céret » par Catherine Deloncle Saint-Ramon.

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