La Clau
Beck, l’autre médecin de Charlotte Gainsbourg

C’est un disque en forme de thérapie. IRM : Imagerie par Résonnance Magnétique. Le titre de l’album laisse peu de place à l’imagination. Pendant de longs mois, le quotidien de Charlotte Gainsbourg s’est résumé à une longue convalescence faite de rendez-vous médicaux et de longues heures passées à faire des IRM dans un caisson… dont les bruits résonnent dans cet album.

Inspiration d’Hôpital

Septembre 2007, la comédienne et chanteuse Charlotte Gainsbourg, fille du chanteur et compositeur Serge Gainsbourg, est transportée d’urgence dans une clinique aux Etats-Unis, après un accident de ski nautique. La fille de la comédienne et chanteuse Jane Birkin souffre d’une hémorragie cérébrale, avec diagnostic difficile à établir et pronostic vital engagé. Pourtant, pendant les séances d’IRM, Charlotte ne pense pas à la mort mais bien à son prochain album, inspirée par les sons de cette grande boîte dans laquelle elle est enfermée. « Moi, j’arrivais à m’évader en écoutant tous ces bruits ; c’était très chaotique, ça passait d’un rythme à un autre, il y avait des coups de marteau et des sons robotiques qu’il me paraissait très possible d’intégrer à de la musique » racontera plus tard Charlotte Gainsbourg.

Pendant 6 mois, elle ne travaille pas. Elle est immobilisée à Paris, où elle réside. Il lui faut un projet, une échappatoire. Le réalisateur danois Lars von Trier l’aide en lui offrant le rôle principal du très polémique et sulfureux « Antichrist ». Puis elle se lance dans son deuxième album. Très attendue, Charlotte Gainsbourg avait bluffé le monde de la musique avec 5:55, merveilleux premier opus réalisé avec le duo Air en 2006. Les mélodies aériennes et planantes de Charlotte et ses complices versaillais s’étaient vendus à 500.000 exemplaires, un exploit dans une industrie du disque sinistrée par Internet.

Des flashs impressionnistes

Pour IRM, Charlotte Gainsbourg a fait appel à une autre pointure de la musique, Beck. L’américain, francophile, voue une admiration pour Serge Gainsbourg. Il a rencontré Charlotte à plusieurs reprises, dans des concerts ou dans des studios. Mais c’est elle qui vient vers lui. L’Américain, en renouvellement constant, a tout écrit et composé, cousu du sur-mesure pour Charlotte Gainsbourg, qui demeurait à ses côtés, lui faisant part de ses flashs impressionnistes, partageant avec lui de petits morceaux de poèmes de Guillaume Apollinaire, pour l’alimenter à sa manière.

Au bout de cette rencontre inattendue, un album éclectique, un peu plus rock que 5:55, qui révèle une Charlotte moins éthérée. « Lors de notre première rencontre, Beck m’a demandé quel son j’avais en tête pour l’album. Je ne voulais m’enfermer dans aucun style en particulier. J’avais l’impression qu’avec lui, je pouvais tout me permettre, et j’ai justement voulu travailler avec lui parce que j’apprécie son éclectisme… Ça m’amusait d’emprunter sa culture à lui; Beck a une manière d’écrire très imagée, il fait beaucoup référence à la culture et aux paysages américains, aussi bien dans l’écriture que par la musique. »

Une Gainsbourg insaisissable

Une certaine noirceur – dans les textes, surtout – traverse l’album. « Je me suis laissée gagner par les humeurs que j’avais. La période qui a suivi le tournage du film de Lars von Trier a été euphorisante pour moi parce que tellement extrême… Mais quand tout s’est arrêté, c’est comme si j’étais sortie d’un rêve. Je suis passée d’un isolement à un autre, de l’Allemagne, où on tournait, à Los Angeles (…) Je me suis retrouvée sans ma famille pendant un moment, et dans ce temps-là, j’ai tendance à piquer un peu du nez. » Ces humeurs mélancoliques, on ne les rencontre pas si souvent chez Beck, mis à part sur le superbe et élégant « Sea Change ». Entre les deux, le courant passe, l’album naît, chacun, dans une alchimie subtile.

La collaboration avec le songwritter americain enchantera sans aucun doute les amateurs de cordes et de rock. Ceux qui avaient aimé l’atmosphère douce et l’électro planante de 5:55 seront sans doute un peu déçus. Mais comme dans ces films, Charlotte est insaisissable. Elle se joue des styles et des étiquettes. Assumer cette personnalité complexe, c’est sans doute le meilleur moyen pour elle d’imposer définitivement son prénom.

« IRM » – Charlotte Gainsbourg – Because Music – Sortie le 7 décembre 2009

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