La Clau
Alexandre Cabanel, le retour du beau, au Musée Fabre de Montpellier

L’histoire de la peinture depuis le XIXe siècle serait plus simple si on la simplifiait ainsi : la peinture était académique jusqu’à Courbet ou les impressionnistes, et ceux-ci se sont révoltés contre un système réactionnaire qui datait du XVIIe siècle, en inventant un art indépendant. Ceci aurait permis l’éclosion des avant-gardes, qui n’ont eu de cesse jusqu’aujourd’hui de brocarder la peinture officielle qui, elle, ne cherche que la flagornerie. Une thèse ainsi énoncée n’est pas fausse, mais grossièrement simplificatrice. Cette affirmation est aussi pertinente que celle qui prétendrait que les cow-boys étaient les gentils et les indiens les méchants.

Ce que pompier veut dire

Les thèses simplificatrices en histoire de l’art sont toujours revues, et les peintres dits « pompiers », « académiques » ou « officiels », vont connaître un retour en force dans les mois à venir. Cela a déjà été le cas dans l’accrochage permanent du Musée d’Orsay, à Paris, où de grands formats officiels du XIXe ont été récemment ressortis. Mais bientôt aussi, le maître du genre, Jean-Léon Gérôme, fera l’objet d’une rétrospective au Grand Palais, également à Paris, d’octobre 2010 à janvier 2011. C’est donc à une véritable relecture de la peinture académique que nous assistons en ce moment, et le musée Fabre de Montpellier est à l’avant-garde.

Dalí et les pompiers

Réintroduire de la nuance entre l’académie et les avant-gardes, montrer que Cabanel, pompier pyromane, a pourfendu mais aussi défendu Manet, par exemple, souligner les nuances et surtout donner à voir des peintures où la notion de beauté, que le XXe siècle n’a cessé de faire exploser, prend tout son sens. Car certes, il s’agit là d’un art de commande, un art officiel, mais on y voit de véritables virtuoses. Contemporain de l’invention de la photographie, ce genre pousse le réalisme à son paroxysme, préfigurant aussi l’hyperréalisme américain des années 1960. Seul Dalí semble avoir su défendre la peinture d’académie, en préférant ostensiblement Meissonier à Cézanne. On se souvient de l’incroyable interview (à voir ici) où le maître de Cadaqués défend l’indéfendable en son temps : « Le peintre le plus mauvais de la France s’appelle Monsieur Paul Cézanne ». Pourtant, sa peinture était dans la droite ligne, et finalement inclassable, car Dalí allait d’un côté à l’autre de la ligne séparant avant-garde et classicisme, se réunissant avec les surréalistes et adulant Meissonier, « Véritable rossignol du pinceau ».

Et aujourd’hui ?

Dès lors, l’exposition de Cabanel prend tout son sens et met bien en avant le système de rejet du monde de l’art, qui finit toujours par être rattrapé par lui-même. Comme l’explique Nathalie Heinich dans « Le triple jeu de l’art contemporain » (1998), l’art joue avec le rejet, puis est intégré, puis nécessite une nouvelle dose de transgression. Dès lors, si Cabanel a longtemps symbolisé la peinture à jeter à la poubelle, il devient aujourd’hui le pire des transgresseurs. Et au fond, les transgresseurs d’hier, n’ont-ils pas enfanté des hordes de Marcel Duchamp en herbe, fourmillant dans les écoles des beaux arts ? L’institution ne crée-t-elle pas de nos jours une nouvelle forme d’académisme, en se donnant des airs de transgression ? Voilà à quoi doit nous faire réfléchir la beauté retrouvée des peintures glacées du Montpelliérain Alexandre Cabanel.

Alexandre Cabanel, la tradition du beau
10 Juillet – 5 Décembre 2010
Musée Fabre / Montpellier Agglomération

www.museefabre.com
37 Boulevard Sarrail, 34000 Montpellier‎ – Languedoc.

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