La Clau
Perpignan: les touristes sud-catalans, plus riches et plus cultivés que les français

Pour la première fois, une véritable étude des clientèles touristiques sud-catalanes présentes dans les Pyrénées-Orientales est révélée. Vendredi 26 novembre, le docteur en sciences sociales Jérôme Coll présentait à Perpignan un profil du consommateur du Sud, sur un document qui reprend des chiffres du Comité Départemental du Tourisme (CDT) des Pyrénées-Orientales, calculés sur la période 2005-2007, auxquels s’ajoutent des données produites par l’universitaire en 2007-2008 auprès de 611 personnes. M. Coll évoque d’emblée un « tourisme riche et en expansion », représenté essentiellement par des habitants de Barcelone et de sa région proche, bien plus que des régions de Girona, Lleida et Tarragona. Selon une série statistique de 2007, le touriste sud-catalan de passage à Perpignan, Collioure ou Céret, dépense 76,4 euros par jour, contre 56,1 euros en moyenne. Sensible à un sentiment de communauté culturelle, ce consommateur plutôt aisé exerce un métier non manuel et s’offre des séjours de trois jours au maximum, privilégie l’hôtel à 80% et ignore le camping et les marchés, au profit des lieux culturels et des hypermarchés.

Jérôme Coll, ethnologue et anthropologue, mais non économiste, qui livrait ses chiffres et analyses dans les bureaux du gouvernement catalan à Perpignan, la Casa de la Generalitat de Catalunya, juge que les touristes visés « viennent découvrir une autre Catalogne » et permettent « d’échelonner le tourisme à l’année ». En effet, les visiteurs de Villefranche-de-Conflent sont à 80% sud-catalans « de novembre à mars », mais sont littéralement absent des bords de mer sans patrimoine, comme Saint-Cyprien, le Barcarès et Canet. Attiré par Collioure, ce public, rarement ciblé par les acteurs du tourisme, se désintéresse de l’argument du soleil, dont il dispose déjà à domicile. Cette manne touristique issue de la Catalogne du Sud, dont les 7,5 millions d’habitants, mais surtout les 3,7 millions d’habitants du Grand Barcelone, constituent une clientèle de proximité, bouscule ainsi les anciens schémas touristiques guidés par la Mission Racine, lancée par l’Etat en 1963. A ce titre, M. Coll, qui évoque une « clientèle exigeante », interpelle sur une approche touristique incomplète, uniquement orientée vers la France, selon un schéma mental pré-européen. A titre d’exemple, la forte présence de palmiers en Roussillon déboussole les clients du Sud, qui rencontrent, en remontant vers le Nord, un paysage plus sudiste que le leur. La confrontation devient évidente entre une logique de décor sudiste, aménagé pour des visiteurs communs, l’autre inspirée par une authenticité patrimoniale catalane.

Dans les Pyrénées-Orientales, l’appartenance à l’ensemble catalan semble être au final un inconvénient dans la conquête des marchés touristiques de proximité, au Sud. Depuis 2007, les circuits cathares font leur promotion, tous les hivers dans le centre de Barcelone, sur une idée du Conseil Général de l’Aude, tandis que la réserve africaine de Sigean s’affiche depuis plus de 20 ans à la sortie de la capitale catalane. M. Coll souligne « Ici, à Perpignan, cette idée n’existe pas, car nous pensons que c’est évident ». Avant de poursuivre « les touristes sud-catalans souhaiteraient une présence plus forte du catalan sur la signalisation routière et dans les sites touristiques ». Et d’ajouter « Mais la plupart des acteurs culturels ne font pas l’effort de prévoir une signalétique en catalan ». Dans un contexte de nécessité économique renforcé par la crise, l’inclusion d’une langue supplémentaire sur les lieux touristiques des Pyrénées-Orientales appartiendrait à une simple adaptation au marché, tout comme s’imposerait le chinois si le territoire était voisin de la Chine. Cette indifférence touristique envers 7,5 millions de sud-Catalans, qui ont consommé de 25 millions de voyages en 2007, dont la plupart à l’étranger, est invitée à disparaître dans la prochaine décennie. Dans l’immédiat, l’appartenance identitaire des Pyrénées-Orientales, affichée par des milliers de drapeaux catalans, devient le meilleur ennemi de l’économie touristique globale du Roussillon et de ses régions.

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