La Clau
A Perpignan, un abîme culturel entre deux présidents catalans

Préoccupé par la gestion de la Région Languedoc-Roussillon depuis la mort de Georges Frêche, fin octobre dernier, Christian Bourquin n’a pas agi à l’international. Ce samedi, au Palais des Rois de Majorque de Perpignan, le passage de relais de la présidence de l’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée a ainsi davantage ressemblé à une prise de pouvoir de son successeur, Artur Mas, qu’à une transmission. En présence d’Hermeline Malherbe, présidente du Conseil Général des Pyrénées-Orientales, Martin Malvy, président de la Région Midi-Pyrénées, et Albert Moragues, représentant de la communauté autonome des Îles Baléares, c’est un nouveau style qui s’est imposé. Le nouveau président, Artur Mas, largement suivi par les médias sud-catalans et espagnols, a effectué des annonces aussi ambitieuses que décalées dans le contexte, car le statut d’autonomie sud-catalan octroie une marge d’action qui, en France, échoit souvent à l’Etat. Son mandat, qui courra pendant 18 mois, portera sur un marketing territorial agressif, décliné après le constat « Vu de Tokyo ou de pékin, nous sommes un tout petit point sur la carte du monde ».

Artur Mas s’est posé en leader d’un territoire fort, le plus fort d’Espagne, dans une différence d’échelle criante avec le Languedoc-Roussillon, territoire le plus pauvre de France. Ainsi, en lieu et place d’une charité demandée cette saison par Christian Bourquin, au nom de la « Politique de cohésion européenne », M. Mas a préférer exiger. Selon lui, l’Eurorégion peut « influer sur les gouvernements de Madrid, Paris et Bruxelles, afin d’obtenir de nouvelles ressources affectées à des projets transfrontaliers”. Parmi ses priorités figurent l’idée de “développer le tissu économique et le marché du travail, sur les deux versants des Pyrénées », et celle d’accélérer la mise en place des réseaux de communication par route et sur rail. Sur ce dernier aspect, le président du gouvernement de Catalogne entend assurer un intense lobbying à Madrid, afin d’obtenir un écartement de voies européen en Catalogne, pour en finir avec les ruptures de flux frontalières à Portbou, et pouvoir exporter plus et plus vite. Sur ce même principe, il souhaite que l’accent soit mis sur la Ligne à Grande Vitesse Perpignan-Montpellier, dans les purs intérêts de la Catalogne du Sud et de l’Espagne.

Cette séance perpignanaise a mis en lumière les différences abyssales entre deux présidents catalans : un homme politique quadrilingue, Artur Mas, s’est assis aux côtés d’un leader monolingue, Christian Bourquin. Mais alors que le premier s’exprime dans un français parfait, normé à la façon parisienne, le second utilise une modalité linguistique de province, risible à Paris. Le paradoxe est ainsi que la nouvelle présidence de l’Eurorégion paraît désormais plus crédible dans les sphères de pouvoir françaises et européenne.

L’Eurorégion Pyrénées Méditerranée, qui représente un territoire de plus de 15 millions d’habitants, cumule 17% du PIB de la France et de l’Espagne mêlées. Son avenir proche semble devoir être confondu avec les intérêts d’une Catalogne du Sud en voie d’émancipation de l’Espagne. Le président Artur Mas, partisan de l’indépendance catalane, pourrait ainsi utiliser la partie française de l’Eurorégion comme marche-pied vers l’internationalisation de son propre territoire, au désespoir des Catalans du Nord crédules, et écrasés dans ce processus.

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