La Clau
La SNCM, une épine française en Europe

Face à de graves difficultés, la Société Nationale Maritime Corse Méditerranée (SNCM), en redressement judiciaire depuis le 28 novembre, est mise en observation pendant six mois par le tribunal de commerce de Marseille, avec une réunion intermédiaire le 7 janvier 2015. Parmi une douzaine de repreneurs potentiels, le Mexicain Baja Ferries projette un redéploiement vers le Maghreb, mais les pertes accélérées brossent un tableau sombre. Le déficit cumulé de l’entreprise atteint 190 millions d’euros depuis 2001 et ses dépenses mensuelles représentent jusqu’à 15 millions d’euros. Ses lignes vers Bastia ou Ajaccio depuis Nice et Toulon assurent la « continuité territoriale avec la Corse », rappelait le Premier ministre, Manuel Valls, le 2 décembre, selon le principe instauré en 1976. Mais ces liaisons sont hautement déficitaires et la SNCM est passée en vingt ans de 50% à 25% de parts de marché sur ces liaisons, tandis que son concurrent Corsisa Ferries a atteint 65%.

La persistance des années 1960

La SNCM, détenue à 66% par la multinationale française Transdev, à 25% par l’Etat et à 9% par ses salariés, est privatisée depuis 2006. Elle véhicule son contexte d’émergence, en 1969, par fusion des lignes méditerranéennes de la Compagnie générale transatlantique et la Compagnie de navigation mixte, née en 1850 pour relier le continent aux colonies françaises. Mais dans le climat économique positif des derniers temps du général de Gaulle, dès 1967 voyait le jour la société privée Corsica Ferries – Sardinia Ferries, à capitaux français et italiens. Absent de Marseille par respect pour la SNCM, cet opérateur insiste sur Nice et Toulon, en assurant la continuité territoriale, façon low cost, selon un schéma rappelant Air France talonné par Easy Jet, opérateur britannique le plus rentable d’Europe.

Un modèle économique et politique

Le modèle économique de la SNCM, dont l’ADN est resté notoirement public, est ébranlé par la poussée des compagnies privées à succès, dont la Méridionale. Naturellement interventionniste, Manuel Valls souhaite préserver un « maximum » des 2.000 emplois de l’opérateur malade, dont la reprise dépend de la clémence européenne. En effet, la compagnie est redevable d’une pénalité de 440 millions d’euros infligée en 2013 par la Comission, car l’Etat lui a octroyé des aides illégales. Au final, la SNCM résume la question de l’inclusion de la France dans l’Union européenne, accentuée par l’aveu du secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies. Dernièrement à Bruxelles pour défendre la délégation de service public attribuée à la SNCM, celui-ci a révélé, ce jeudi 4 décembre, que cette formule française n’est pas « transmissible » au repreneur.

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