La Clau
Picasso éclaire la Retirada de 1939 à Toulouse

Une exposition baptisée « Picasso et l’exil » ouvre ce vendredi 15 mars au musée des Abattoirs de Toulouse. Ce lieu consacré à l’art explore l’exil des républicains espagnols, la Retirada de 1939, au travers d’œuvres de Pablo Picasso. Une cinquantaine d’artistes contemporains du peintre andalou s’ajoutent à cet ensemble de 700 toiles. Des toiles, des films, des lettres, des affiches, des dessins et des installations, cédés par des musées, dont le Musée Picasso de Barcelone, la collection musée national Picasso Paris, la Succession Picasso, le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) de la région Occitanie, mais aussi des particuliers, sont à voir sur trois étages. Parmi les pièces principales de cette exposition figure une trentaine de tableaux, affiches, céramiques, signés Picasso. Cette traversée historique convoque Robert Capa, Antoni Tàpies, Oscar Dominguez, Robert Longo, Luis Fernandez, Joan Miró, Antonio Saura, Dora Maar ou encore Luis Buñuel. Ces acteurs du monde artistique du XXe siècle, dans le contexte de ses conflits, fournissent des éléments de contexte. Le visiteur ne saisit que mieux les conditions de création d’oeuvres majeures, en France du peintre formé à la vie à Horta de Sant Joan, dès 1898, avans son arrivée à Paris en octobre 1900.

Un Picasso français, nostalgique de l’Espagne

Sans réelle surprise, le musée languedocien choisit de montrer Picasso sous son empreinte française, c’est-à-dire celle de la nostalgie du pays natal. A cet effet ont été sélectionnés des classiques parmi les classiques, comme un extrait de la série « Las Meninas » exécutée en 1957, inspirée de Diego Velásquez, ou un témoin de sa série des « Matador », signée entre 1970 et 1971, lorsque le natif de Malaga, vivant dans son mas provençal de Mougins, effectuait un subtil hommage, avec épée et vêtements, à Francisco de Goya. Le rideau de scène picassien « La dépouille du Minotaure en costume d’arlequin », de 1936, offert par son auteur au musée des Augustins de Toulouse en 1965, est également montré. On devine le bouleversement historique et personnel de l’exil, affectant Picasso et nombres d’artistes amis. Exilé politique, résistant culturel, celui qui avait émis le voeu de ne regagner le territoire qu’après le franquisme met en scène son hispanité. Dans cette reconstitution libre, les Abattoirs associent les Catalans Pere Créixams, Apel.les Fenosa, Carles Fontserè, Joan Jordà et Antoni Clavé.

Sur la plage d’Argelès, tramontane glacée et soleil bronzant

Au premier étage de l’exposition, le focus est donné sur plus d’une vingtaine d’artistes contemporains, en répliques directes de l’importance de Picasso dans le message de liberté artistique. Jordi Colomer, Núria Güell et Oriol Vilanova partagent l’espace avec Serge Pey. Ce Toulousain d’origine sud-catalane présente une installation dénommée « La sardane d’Argelès , oeuvre composée d’objets collectés est la mise en scène d’une photographie prise par son propre père à l’intérieur du camp de concentration d’Argelès-sur-mer. Pey, peintre et poète, use du verbe comme d’un devoir de mémoire en abordant le sort des 450 000 citoyens républicains espagnols arrivés en territoire français, particulièrement en Catalogne du Nord, l’hiver 1939. A leur départ, ces hommes, femmes et enfants ignorent l’horreur des camps de concentration, la mort par maladie voire la déportation en Allemagne nazie, pour certains. « La Sardane d’Argelès » est aussi un long poème, écrit en 2014 à rythme de sardane. L’artiste exprime une sardane dansée à l’envers par des anarchistes sud-catalans, pendant que la tramontane glacée soulève le sable d’Argelès. L’espoir, face aux fusils d’une armée française dans la tourmente, sur la même plage où l’on bronzera l’été 2019.

Cette exposition s’inscrit dans le programme « Picasso-Méditerranée », une initiative du Picasso de Paris, selon le cheminement géographique de l’artiste, en correspondance avec ses différents lieux d’inspiration. Son commissariat est confié à Annabelle Ténèze, directrice du musée accueillant, et Emilie Bouvard, conservatrice du Musée national Picasso-Paris

« Picasso et l’exil », musée des Abattoirs, 76 allées Charles-de-Fitte, Toulouse. Du 15 mars au 25 août.

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