La Clau
Disparition à 98 ans d’Adrienne Cazeilles, gardienne de la mémoire du pays

Samedi 18 décembre, le Pays Catalan a perdu Adrienne Cazeilles, à l’âge de 98 ans. Cette personnalité considérée comme gardienne et témoin d’une mémoire de pays dans les Pyrénées-Orientales était l’auteur de plusieurs ouvrages de référence mémorielle identitaire. Habitant le village de Camélas pendant plusieurs décennies, elle avait notamment signé “Quand on avait tant de racines”, en 1977. Ce livre trois fois réédité, dont la dernière en 2012, a suscité un certain impact dans l’opinion, eu égard à son niveau de ventes. Il décrit le sentiment de perte d’une forêt, suite à l’incendie gigantesque survenu à partir du 28 juillet 1976 dans la région de l’Aspre, ravageant 17 000 hectares de zones naturelles. Cette évocation est aussi une métaphore de territoire et de culture, le massif forestier embrasé étant lié à la culture, à la connaissance et aux savoir-faire détenus et patiemment transmis par les hommes et les femmes.

La conscience d’une civilisation millénaire

Femme de lettres née dans un mas situé au-dessus de Castelnou, classable parmi les chrétiens de gauche, Adrienne Caseilles était dépositaire de l’histoire et de la conscience d’un territoire, de ses interrogations, ses inquiétudes et ses espoirs. Pas ouvertement catalaniste, mais catalanophone naturelle, cette dame discrète, résidant à Thuir, avait l’entière conscience de l’existence d’une civilisation millénaire, propre au Roussillon, au Conflent, au Vallespir ou à la Cerdagne. Esprit mesuré, enracinée et ouverte à la modernité, elle était relais entre une société entièrement disparue, et le présent. Interrogée sur France Inter en 1979, Adrienne Cazeilles insistait sur les comportements en déshérence, en raison de l’urbanité. Elle défendait les “valeurs non monnayables : l’amitié, la solidarité, la gratuité, les choses que l’on fait pour rien… cette notion de gratuité qui est en train de disparaître” et ajoutait, en guise d’illustration, la façon de vivre en société, en dehors des villes : “dans la campagne,  on rencontre quelqu’un qu’on ne connaît pas, on le salue ».

Avec Adrienne Cazeilles, née en 1923, disparaît l’un des ultimes grands témoins du XXe siècle en Catalogne du Nord. Ce départ cède encore un peu plus de place à l’interprétation touristique d’un territoire, sans autres vocations que celles de l’agrément et de la provincialisation.

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