La Clau
Expo Kees Van Dongen : le fauvisme m’a tuer

Co-organisée par le Musée des beaux arts de Montréal et le musée national de Monaco, l’exposition “Un fauve en ville” est la première rétrospective d’importance du peintre flamand, à l’exception notable d’un préalable languedocien, à Lodève, en 2004, et à la fondation Gianada de la ville de Martigny, en Suisse, en 2002. Le musée de Montréal, dynamique musée francophone résistant on ne sait comment à l’empire américain, est d’ailleurs entré depuis quelques années dans une politique de coproductions systématiques avec des musées européens, comme on le verra à Montauban cet été avec “Ingres et les modernes”, la pertinente exposition menée à l’initiative de Florence Viguier, directrice du Musée éponyme au Nord de Toulouse.

« Au cirque et au musée la foule cherche les fauves »

Qu’a t-on dit de Van Dongen quand on l’a qualifié de “fauve”? Qu’a t-on dit d’un artiste, mort depuis longtemps de surcroît et incapable de porter la contradiction, quand on lui accole un “isme” bien pratique pour le classer entre deux autres dans la bibliothèque de l’histoire de l’art ? Rien. Mais le fauvisme, parce qu’il est spectaculaire peut-être, fait sensation. On le sait, au cirque comme au musée, c’est pour voir les fauves que se déplacent les foules. Et le fauvisme, mouvement qui n’en a jamais été un, est quand même bien pratique pour tirer à soi la couverture des expositions juteuses. Pré-fauvisme, post-fauvisme, para-fauvisme, pseudo-fauvisme : à peu près tout ce qui a été peint entre 1890 et 1930 pourrait, sous contrainte de contorsions et tours de passe-passe, entrer dans une exposition au titre rugissant. Untel a été fauve avant les autres, alors que le top départ fauve n’était pas donné officiellement. Un autre, non moins talentueux, a été la principale influence cachée du plus grand des fauves, donc fauve lui même par procuration, découvert aujourd’hui par tel docteur ès histoire des fauves. Tel tableau, pourtant bien rugissant, n’est pas vraiment assez fauve et donc n’est pas dans l’exposition “quelque chose me dit que c’est un tableau fauve”, à moins que ce ne soit parce qu’on n’a pu l’obtenir au prêt, allez savoir. L’ami du fauve, le fils du fauve, les fauves avec ou sans peinture, ceux du Nord du Sud et de l’Est, tous ont été mis à la sauce muséologique depuis trente ans, et d’abord en Catalogne du Nord nord, berceau du fauvisme comme on le sait tous (à moins que celui-ci ne soit née au Havre avec Marquet, à Saint-Tropez avec Braque, Londres ou Paris avec tant d’autres, cela dépend des accoucheurs de fauves). Mais Van Dongen avait eu la chance de passer à travers la moulinette fauve, jusqu’à présent. C’est chose faite avec cette exposition.

Un artiste mondain assumé

C’est sans doute d’un autre oeil que celui d’un félin qu’il faut aller voir cette réunion exceptionnelle de 200 oeuvres de l’artiste. Van Dongen a surtout été un peintre mondain, au bon sens du terme. Témoin des années dites “folles”, il en a tiré le portrait des principaux acteurs et actrices: “On m’a reproché d’aimer le monde, de raffoler du luxe, d’élégances, d’être un snob déguisé en bohème ou un bohème déguisé en snob. Eh bien oui ! J’aime passionnément la vie de mon époque, si animée, si fiévreuse…” disait-il. Son style expressionniste, fait de couleurs souvent pures, se reconnaît pourtant aux belles ombres vertes qui parsèment ses tableaux. Ces ombres, comme des reflets cadavériques sur les portraits de jolies jeunes femmes, sont ce qui montre la profondeur de cette peinture. Parsemant l’ensemble de son oeuvre, ces reflets en disent long sur la complexité de ce peintre qui pourrait, trop rapidement, être catalogué comme un simple avatar d’un courant simplificateur : le fauvisme.

Kees Van Dongen
Museu Picasso
Carrer Montcada, 15-23 – Barcelone
Du 11 juin au 27 septembre 2009
www.museupicasso.bcn.cat

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