La Clau
Perpignan : Patrick Poirrier, patron des chocolatiers européens

Le président directeur général du géant chocolatier perpignanais Cemoi, Patrick Poirrier, a pris la présidence du syndicat européen des produits sucrés, Caobisco, en juin 2014. Cette organisation patronale, qui réunit les entreprises de production de chocolats, de biscuits et de confiserie, englobe aussi leurs représentations nationales. Agé de 43 ans, le dirigeant à l’agenda peu accessible dirige depuis 2004 l’une des plus belles entreprises des Pyrénées-Orientales. A ses côtés, l’ambiance du pays tutoie l’analyse macroéconomique universelle, dans laquelle intervient la croissance mondiale, de 1 à 2 % par an, de la consommation de chocolat. “Elle augmente singulièrement dans les pays dont le PIB progresse”, observe Patrick Poirrier, qui illustre son propos par l’entrée en jeu de la Chine et de l’Inde.

Que signifie être président de Caobisco ?

Caobisco représente 11.000 entreprises européennes appelées à suivre une réglementation et une harmonisation de plus en plus complexes, venant de Bruxelles. Notre axe majeur est la pérennité de notre industrie, qui exporte fortement et contribue à la balance commerciale positive du continent. Je trouve important de participer à ce niveau-là, car Caobisco assure une partie du succès de notre industrie et de sa compétitivité. Nous avons avancé sur la question de la libéralisation du marché du sucre, pour être plus compétitifs et plus performants à l’export. Le marché du sucre, extrêmement régulé en Europe, a pénalisé nos industries dans leurs expoprtations, car il existait une différence de prix entre le sucre européen et le cours mondial. Caobisco a agi sur ce plan, c’est une grande victoire. Nous travaillons beaucoup sur l’image de nos produits, car la réglementation voudrait diminuer leur consommation. Nous défendons l’alimentation saine et équilibrée, tout en fuyant la surconsommation. Au niveau mondial, nous conversons avec la National Confectioners Association américaine, car nos entreprises sont, pour certaines, aussi installées aux Etats-Unis.

Cémoi vise 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2017. Ce but sera-t’il atteint ?

Nous y travaillons ! Nous sommes sur un marché en progression et la valeur de la fève de cacao progresse, ce qui augmente mécaniquement notre chiffre d’affaires. Qui n’avance pas recule. Nous sommes toujours à la recherche d’opportunités et de nouveaux marchés. Nous avons énormément investi sur notre site de production de Torremila, à Perpignan, et sur notre site de Dunkerque. Nous avons racheté Jacquot, chocolatier à Troyes, en 2007. Nous bénéficions d’une croissance organique.

Vous êtes bien discret dans les milieux économiques du Roussillon…

Ne croyez pas cela. J’essaie d’être présent sur les événements locaux, par exemple aux Déferlantes d’Argelès. Mais ma plus grande salle de réunions est l’avion pour Paris, ou je rencontre pas mal de chefs d’entreprises et d’autorités du département. Je suis très fortement en déplacement car le marché est européen et mondial, mais l’ancrage local de Cémoi est fort. L’essentiel est fait ici, sur le site construit en 1943, avec une réunion sur deux en vidéo-conférence. Sur ce principe, je viens de tenir une réunion très productive avec un grand client japonais.


« Le Bon Malakoff », produit mythique de Cémoi © La Clau

Pour réussir l’avenir, Cemoi a augmenté son budget de recherche et développement de 50 % par an jusqu’en 2016. Troisième producteur de chocolat européen, l’entreprise a finalisé son nouveau laboratoire de recherche, en novembre 2013, à Perpignan. “Nous avons choisi de développer ici tous nos produits pour le monde”, souligne Patrick Poirrier. Cemoi a investi 120 millions dans son outil de travail en 10 ans et dirige 14 sites de production de cacao en Côte d’Ivoire. Son responsable défend une “vision d’exportation du savoir-faire du chocolat français vers les marchés d’Amérique du Nord et d’Asie”. Il va “chercher la croissance là où elle est, pas seulement en Europe” et observe l’attrait planétaire du chocolat noir. “Il progresse maintenant plus rapidement que le chocolat au lait”, observe-t’il, en insistant sur le rôle primordial du laboratoire de Perpignan dans la création de produits adaptés, de la fève de cacao jusqu’au produit fini. Cemoi, qui achète 3 % des fèves mondiales par an, soit 145.000 tonnes, entend prendre sa part dans la conquête de ce type de chocolat. Celui-ci est doté d’une “connotation santé” plus forte que le chocolat au lait, selon une tendance “mondiale et urbaine, identique à New York ou à Paris”. Avouant être “toujours sur du pilotage à 10 ou 15 ans”, le puissant dirigeant économique aux 3.200 salariés ne se laisse pas griser. Il prend le temps, à la tête d’une entreprise dont le premier bourgeon est apparu il y a 200 ans à Arles-sur-Tech.

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