La Clau
La France reconnaît sa faute lors de la Retirada de 1939

Le Premier ministre, Manuel Valls, présent ce vendredi 20 février en Pays Catalan à l’occasion de l’inauguration de la ligne à Très Haute Tension (THT) franco-espagnole, a brisé le tabou d’Etat sur la Retirada. En effet, ce repli en France de 500.000 républicains espagnols, en janvier et février 1939, a produit un véritable échouage humain sur les plages du Roussillon, d’Argelès-sur-mer au Barcarès, plus tard dévolues aux parasols. Ces espaces surveillés ont abrité une « crise sanitaire de premier ordre », accompagnée de décès, maladies et tragique misère humaine, selon le rappel effectué en 2014 par l’archiviste Eric Forcada. Mais les manuels d’histoire et abondants documentaires télévisuels oublient ce premier déplacement massif de populations en Europe. « Nous n’avons pas été à la hauteur des espérances », a souligné M. Valls, auprès de France Bleu Roussillon, à propos des égards français envers la Retirada. Connaisseur du sujet au travers de ses origines sud-catalanes, le Premier ministre engage la République dans une première repentance, voire une réinformation de l’Histoire de France. Cette démarche reste incertaine, car la dépêche de l’Agence France Presse, qui fixe officiellement l’information sur la THT, n’aborde pas cet aspect. Le geste oral de M. Valls ne nourrit pas non plus une quelconque autre dépèche placée sous cet angle. Pour mémoire, la méconnaissance ordinaire, à Paris, était illustrée en 2013 par Harlem Désir. Sans mauvaise intention, mais aux antipodes du réel, l’ancien président de SOS Racisme évoquait la « solidarité de la France« . Cette maladresse significative avait été solidement corrigée par le PS des Pyrénées-Orientales.

Pétain avant l’heure : une gêne pour la République

La marginalité de la Retirada dans le récit officiel est vraisemblablement due à la marginalité géographique du Roussillon, tout comme à la puissance mémorielle de la Seconde guerre mondiale, qui a débuté sept mois plus tard. Une mémoire a effacé l’autre, sauf dans les régions concernées. Cette séquence fait ainsi partie de l’Histoire régionale, mais non nationale. Un ingrédient troublant s’ajoute à ce phénomène, car la France de février 1939 avait pour Président du Conseil le radical Edouard Daladier, et non le maréchal Pétain, à ce poste dès juin 1940. La République humaniste a employé avant l’heure les méthodes du régime de Vichy et de la Collaboration avec le régime nazi. Cette configuration, profondément gênante, démontre qu’un régime démocratique a aménagé en Pays Catalan des camps de concentration, selon la terminologie exacte de l’époque. Ces lieux inhospitaliers n’étaient pas liés à la déportation des juifs et n’étaient pas l’initiative de Vichy, mais bien de la République. En guise de préparation, le 12 novembre 1938, le gouvernement Daladier promulguait un Décret détaillant l’expulsion des « étrangers indésirables ».

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